« Nous appelons à la grève du travail, des tâches domestiques, de la consommation. Parce que seules nos voix, nos cris, nos actions visibles pourront faire bouger la société et le pouvoir pour enfin obtenir l’égalité. »
Appel pour la grève féministe du 8 mars
Nous sommes loin, très loin de l’égalité entre les femmes et les hommes.
Ce sont encore les femmes qui sont les plus nombreuses à toucher des bas salaires, à être victimes des inégalités de revenus, à vivre sous le seuil de la pauvreté. Les « premières de corvée », célébrées au temps du COVID ont été vite oubliées. Et les diktats économiques du néolibéralisme continuent à peser toujours plus durement sur elles.
Les violences perdurent sans même faiblir. Il y déjà eu 24 féminicides depuis le début de l’année. Des enquêtes, des rapports nous font découvrir que ces violences agissent partout, dans la rue, au travail, au sein des familles, sur les petites filles, les adolescentes et les femmes adultes.
Le discours commun laisse parfois entendre que nous serions sur une voie de progrès que rien désormais ne pourrait arrêter. Comme si nous pouvions lever la garde parce qu’il ne serait question que de temps pour que la prise de conscience finisse par venir à bout des inégalités, des dominations, des violences. C’est se leurrer que de le penser, tant les menaces sont multiples d’un retour des visions archaïques qui veulent maintenir les préjugés du patriarcat et de la domination masculine comme des volontés de banalisation qui tentent de laisser croire qu’il ne faudrait rien exagérer.
Le président de la République, lui-même, relativise le viol au nom de son admiration pour Gérard Depardieu. Il fustige les mères célibataires en considérant que leurs conditions de vie dépendent de leur capacité à en être responsable. Il instrumentalise le corps des femmes pour qu’elles servent le réarmement démographique qu’il juge nécessaire à l’économie et à la lutte contre l’immigration.
Il n’est pas une semaine sans qu’un élu ne vienne témoigner par ses propos d’une vision toujours méprisante des femmes, certains osant l’injure sexiste au sein même de l’hémicycle.
Quant à l’extrême-droite, ses tentatives de dédiabolisation masquent à peine une idéologie toujours aussi réactionnaire qui entend bien maintenir l’inégalité comme la conséquence d’une vision naturalisante. Et Marine Le Pen de continuer à légitimer le salaire parental parce que « le progrès pour les femmes, c’est de rester à la maison. ». Le RN affiche impunément ses amitiés avec ceux des gouvernements européens qui menacent le droit à l’avortement. Et ces idées réactionnaires instillent les positions de partis politiques que l’on percevait comme y ayant renoncé.
Des enquêtes montrent que les jeunes générations sont loin d’être à l’abri des stéréotypes et multiplient les propos sexistes sur les réseaux sociaux. La télévision tolère que des femmes soient humiliées sur leurs plateaux comme si l’humour constituait un prétexte suffisant pour justifier le mépris sexiste. Si la révélation des violences masculines sur les actrices fait naître des condamnations sans ambiguïtés, elle n’est pas encore venue à bout des relativisations de tous ordres.
Ne nous laissons pas abuser : si nous pouvons constater des évolutions réelles, elles ne gagent pas la certitude d’un progrès irréversible. C’est pourquoi il faut continuer à dénoncer et revendiquer à voix forte, à rendre évidentes les inégalités encore trop peu visibles, à témoigner des souffrances, des violences et des injustices et à éduquer les jeunes générations à l’égalité.
Le 8 mars, nous serons toutes et tous en grève « parce que seules nos voix, nos cris, nos actions visibles pourront faire bouger la société et le pouvoir, … pour enfin obtenir l’égalité ».
Éditorial de la lettre de l’Institut de recherches de la FSU du 28 février 2024
Paul Devin, président de l’IR.FSU