Article d’Elisabeth Labaye, extrait de la lettre électronique « Que révèlent les suicides sur le travail ? Un défi pour le syndicalisme » (2009).
Santé et sécurité au travail, dans la Fonction publique. Quels enjeux ?
Élizabeth Labaye, FSU
Après le lancement par Xavier Bertrand à la rentrée 2007 de négociations sur la santé au travail dans le secteur privé, négociations qui se sont soldées par un échec suite aux blocages du patronat, la Fonction publique ne pouvait plus en rester à la situation actuelle, montrée du doigt par tous.
La FSU, qui était intervenue au cours d’une des tables –rondes organisées à ce sujet avait mis en évidence que dans les différents secteurs publics (avec des exemples dans l’Education Nationale, à l’Anpe, ou dans un conseil général), l’organisation du travail générait des difficultés, un stress professionnel important allant jusqu’à une véritable souffrance.
En parallèle nous avions rappelé que la médecine du travail dite médecine de prévention dans la Fonction publique était dans la plupart des services et ministères inexistante : des réglementations et lois non respectées, des réunions formelles et peu de motivation pour les réunir (y compris de la part des représentants des personnels), des médecins de prévention invisibles, et aucune prise en compte sérieuse de la question par le « politique ». Les cadres de la GRH quant à eux oubliant volontiers le H, pour se cantonner à une vision comptable de la gestion des ressources.
André Santini a donc dû ouvrir des négociations en Juillet 2008, négociations qui se sont poursuivies toute l’année dernière et devraient s’achever en Novembre 2009 avec un protocole d’accord présenté à la signature des organisations syndicales.
Il s’agit tout à la fois d’un signal politique fort, d’un « engagement » et de la mise en œuvre du code du travail ou de son adaptation à la fonction publique.
Signal politique parce que pour la première fois, l’Etat employeur reconnaît une situation calamiteuse, promet de faire respecter une réglementation plus contraignante, d’y mettre des moyens. Luc Chatel l’a d’ailleurs annoncé pour l’éducation nationale lors du dernier CTPM :
« Est-ce normal qu’un agent du ministère de l’Éducation nationale puisse pratiquement arriver à la retraite sans autre visite médicale que celle passée lors de son recrutement. La réponse est non, naturellement. Et pourtant c’est ce qui se passe pour beaucoup. Eh bien je le dis, nous devons nous donner les moyens de mettre un terme à cette situation » » .
L’objectif est de permettre l’évaluation des risques professionnels et de mettre en place les outils pour les prévenir, assurer leur suivi, de réformer donc les instances de pilotage. Il s’agit « de mieux adapter le travail à l’homme, pour favoriser le bien-être de chacun tout au long de sa vie professionnelle », est –il indiqué dans le projet de document.
La transformation des CHS en CHS-CT, une de nos demandes, est acquise. Elle fera de ces instances des lieux majeurs du « dialogue social » qui auront à se saisir des enjeux de la santé au travail, en s’appuyant sur les conditions de travail, et qui devront donc être en capacité de faire remonter la parole des personnels.
C’est une perspective motivante car jusqu’à présent le sujet reste insuffisamment pris en charge dans les organisations syndicales, et ne fait pas le coeur des audiences syndicales au ministère ! .Si les conséquences des suppressions de postes sont évidemment dûment dénoncées, on en reste trop souvent au quantitatif et l’organisation du travail elle-même est peu traitée.
Il s’agira donc de développer une culture de la santé au travail, et donc de la prévention des risques, particulièrement du côté des employeurs, mais elle devra se développer davantage du côté des organisations syndicales.
Parmi les propositions soumises à la discussion : la création d’une mission d’observation de la santé et la sécurité au travail pour les trois fonctions publiques, l’extension de l’enquête Sumer sur la surveillance médicale des risques professionnels, l’amélioration des conditions d’exercice de la mission des ACMO (Agents chargés de la mise en œuvre des règles d’hygiène et de sécurite), l’exigence de mise en oeuvre du Document Unique d’Evaluation des Risques, l’identification et la création de référentiels pour les TMS et les risques psychosociaux, la formation des agents et cadres des chefs de service, la création d’un suivi post professionnel des risques différés (amiante).
Les difficultés liées au manque de vivier de médecins du travail risquent cependant de limiter l’impact de ses mesures. La question de l’importance des moyens alloués à cette politique déterminera aussi le niveau d’engagement de l’employeur public.
Cependant, au-delà des avancées tout à fait concrètes qui pourraient résulter des négociations, restera un problème majeur : les politiques qui mettent en concurrence les personnels, valorisent le « mérite », créent les conditions de l’explosion des collectifs de travail, créent elles-mêmes les risques que l’engagement pour la santé au travail souhaite combattre.
En Europe, la question est également traitée. Ainsi le CSEE, (conseil syndical européen de l’éducation) y a consacré plusieurs séminaires. Le dernier s’est tenu à Athènes début Octobre et propose toute une batterie d’actions aux organisations syndicales.
Reste à faire passer le discours dans la pratique quotidienne des organisations syndicales, au plus haut niveau et à tous les échelons des syndicats ; les personnels sont demandeurs, et les stages lorsqu’ils sont -certes encore insuffisamment- organisés, montrent une volonté d’appropriation de ces questions chez de nombreux militants. Reste à contraindre l’administration à modifier sa GRH en fonction de cet objectif. Reste à faire modifier les politiques qui rendent le salarié malade du travail.