Published On: 23 juin 2020Categories: Editoriaux de la lettre électronique

Soutenir l’action syndicale par la recherche et sa diffusion

Il y eut un temps, dans les premières semaines de la crise sanitaire, où d’aucuns pensèrent qu’elle allait administrer la preuve du besoin absolu de service public.
Elle mettrait en évidence, pouvait-on penser, que l’égalité et la solidarité fondées sur l’action publique relevaient d’une nécessité incontournable, d’une évidence enfin perceptible.
Nous louâmes l’héroïsme des soignants, nous nous réjouîmes de la disponibilité des fonctionnaires territoriaux, nous constatâmes avec satisfaction que l’école accueillait les enfants dont les parents avaient un travail indispensable au traitement de la crise.

Le président de la République nous expliqua, lors de sa première intervention, celle du 12 mars, que des temps nouveaux étaient là où nous allions devoir penser la dépense publique comme un bien et non comme un coût et qu’il nous serait donc nécessaire de considérer qu’il est des services qui doivent être placés en dehors des lois du marché.

C’était il y a un peu plus de trois mois. La nature exceptionnelle de la situation laissait présumer qu’elle offrait une opportunité à interroger en profondeur nos choix économiques et sociaux. Dans cette même intervention du 12 mars, Emmanuel Macron annonçait qu’il « nous faudrait demain tirer les leçons du moment que nous traversons, interroger le modèle de développement dans lequel s’est engagé notre monde depuis des décennies et qui dévoile ses failles au grand jour, interroger les faiblesses de nos démocraties. »

Mais quand serons-nous demain ?

Les jours d’aujourd’hui sont un curieux entre-deux. L’épidémie menace toujours et aucune certitude ne peut affirmer que la situation critique du mois de mars ne pourrait pas revenir lors d’une deuxième vague. La vie économique a cependant repris la main et la priorité sanitaire doit désormais céder le pas. La reprise scolaire du 22 juin en a fourni le pire exemple, faisant semblant de maintenir un protocole sanitaire tout en incitant à ne pas le respecter.

Dans ce contexte, le discours qui nous incitait à interroger notre modèle économique et social, pour que l’action publique soit pensée avec une spécificité qui la sépare radicalement des principes de l’économie libérale et de ses jeux de profits et de concurrence, semble déjà oublié.
Comment pourrions-nous être capables de contraindre ce questionnement sans parvenir à convaincre largement qu’il est temps de changer de modèle… qu’il en va de notre avenir, de notre survie ? Sans doute tout d’abord celle des plus démunis, des plus pauvres mais aussi celle d’une humanité de plus en plus nombreuse à être menacée dans sa vie quotidienne tant par la croissance des inégalités que par la détérioration de l’environnement, de la santé, des conditions de travail

La volonté de convaincre d’un modèle basé sur l’action publique doit être la motivation essentielle de notre Institut de recherches. Les questions sont multiples lorsqu’il s’agit de penser les articulations de l’action professionnelle des agents et du rôle régulateur et égalitaire de l’État avec l’élaboration collective des finalités et la participation réelle des citoyens. Mais puisque nous découvrons que la crise n’aura aucune vertu naturelle pour que naisse spontanément cette interrogation suffisamment vive pour engager les rupture nécessaires… mettons-nous au travail avec conviction.

Toutes les formes de travail de notre Institut seront nécessaires : publications, colloques, débats, stages de formation,…

  • Pour que nos recherches contribuent à penser les conditions nécessaires à la transition écologique, à la justice sociale, à l’égalité sans distinctions de genre ou de race, à la liberté démocratique.
  • Pour qu’elles contribuent à construire une culture politique permettant de s’approprier des projets alternatifs aux principes de l’idéologie libérale dominante.
  • Pour qu’elles soutiennent l’action syndicale en lui donnant une force de conviction solidement ancrée dans la vision d’un monde de justice et d’égalité.

Éditorial de la lettre de l’Institut de recherches de la FSU du 2 juin 2020
Paul Devin, président de l’IR.FSU