Published On: 10 février 2020Categories: Editoriaux de la lettre électronique

Jusqu’où iront les violences policières?

Les images diffusées sur les réseaux sociaux ne cessent de montrer des situations où la disproportion de la riposte policière ne fait aucun doute, parfois même caractérisée par un arbitraire absolu ou une brutalité injustifiable. Une rhétorique inacceptable, répétée par le président de la République et le ministre de l’intérieur, prétend qu’il ne peut y avoir de violences policières puisque la police agit dans le cadre légal d’un état de droit [2].

Pourtant la rigueur de ce cadre légal fait grandement défaut et tout ce qu’il faut pour nourrir le sentiment d’une impunité policière est réuni : obstruction des dépôts de plaintes, enquêtes douteuses de l’IGPN, classements sans suite, …

Ce ne sont pas les seuls manifestants qui s’alarment de l’illégalité des pratiques de maintien de l’ordre en France. Il y a un an, la commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe [3] s’inquiétait que des personnes soient interpellées et mises en garde à vue sans qu’aucune infraction ne puisse être caractérisée. Elle constatait que le nombre et la gravité des blessures infligées aux manifestants mettaient en question la compatibilité des méthodes employées dans les opérations de maintien de l’ordre avec le respect des droits, notamment celui de pas subir de traitements contraires à l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme. Quelques jours plus tard, la haute-commissaire aux droits de l’homme de l’ONU [4] dénonçait, elle aussi, un usage excessif de la force et demandait une enquête approfondie sur les violences policières.

Un an après la question de la légitimité des violences policières est toujours la même. La justification par la nécessité d’une riposte dont on assure qu’elle est graduée en fonction de la situation est sans cesse discréditée et infirmée par les images et les témoignages. Quant au constat de violences exercées par certains manifestants, généralement des dégradations matérielles, il ne peut suffire à justifier des réactions disproportionnées qui ont désormais grièvement blessé des centaines de manifestants.

L’inquiétude est grande que reculent encore les limites de cette conception de l’ordre public et qu’elle oublie davantage encore que la défense des droits et des libertés doit rester la valeur et la mission premières de la police.

[1Grand débat national, 7 mars 2019, Gréoux-les-Bains
[2Grand débat national, 7 mars 2019, Gréoux-les-Bains
[3CommDH (2019)8, 26 février 2019
[4Intervention de Michelle Bachelet devant Conseil des droits de l’homme à Genève, 6 mars 2019

Editorial de la lettre de l’Institut de recherches de la FSU du 10 février 2020
Paul Devin, président de l’IR.FSU