Exigence et intelligibilité
Les discours politiques ont des volontés tactiques qui laissent trop souvent la rhétorique prendre le pas : la prise en compte de la complexité, la volonté d’ancrer la logique argumentaire dans une construction conceptuelle, l’étayage des énoncés par une analyse patiente et objective de la réalité cèdent la place à la seule habileté argumentaire. On finit même par reconnaître comme qualité essentielle l’agilité avec laquelle les éléments de langage produisent des consentements immédiats fussent-ils superficiels. Au sein du service public, c’est désormais chose courante que les cadres usent d’arguments spécieux pour imposer des fonctionnements dont ils peineraient à justifier autrement le bien-fondé et cela quitte à ce qu’ils varient leurs discours au gré des besoins.
Les travaux de l’Institut doivent contribuer à construire les résistances nécessaires pour aider le discours syndical à refuser de se soumettre à ces séductions formelles. Ils doivent soutenir le choix délibéré d’intégrer les contraintes nécessaires à l’élaboration d’une pensée raisonnée par les exigences de l’objectivité et de la rigueur de l’analyse.
C’est pourquoi nous ne pourrions pas nous contenter de la qualité des recherches mises en œuvre par les différents chantiers sans se préoccuper de leur diffusion large et intelligible. Les trois ouvrages qui vont être publiés par l’Institut de Recherches de la FSU à cette rentrée témoignent de cette volonté. L’un nous aide à mieux comprendre l’histoire de notre fédération et donc à mieux en penser l’avenir. L’autre interroge la capacité des alternatives à nous permettre de penser l’avenir de l’action collective. Le dernier analyse le travail « contrarié » des directeurs d’école, formant une nouvelle pièce à la contribution de l’Institut à comprendre comment les évolutions néolibérales impactent brutalement le travail.
Publications, débats, séminaires, colloques, revue « Regards Croisés » … loin des replis de l’entre soi, fort des exigences de nos démarches de recherche et de notre pluralisme, c’est là que doit porter notre attention : mettre la rigueur et l’intelligibilité de nos travaux au service de l’action syndicale. Dans une société où les réseaux sociaux conduisent l’invective, le jugement hâtif et les préjugés à envahir trop souvent les débats et à relativiser les exigences de l’élaboration des idées, cette perspective est essentielle. Elle continuera à guider les travaux de nos chantiers de recherche en cours comme de ceux à venir.
Editorial de la lettre de l’Institut de recherches de la FSU du 2 septembre 2019
Paul Devin, président de l’IR.FSU