La grève, un élan contre la fatalité des inégalités sociales
Voilà à nouveau que quelque chroniqueur nous explique que la grève prendra le citoyen en otage et qu’elle est une entrave à la liberté …. Nous glissons subrepticement vers l’affirmation que la grève serait illégitime parce qu’elle empêcherait chacun de faire ce qu’il veut, quand il le veut. Les logiques pragmatiques du discours libéral tentent d’enfermer l’aspiration à la liberté dans cette satisfaction immédiate, spontanée, primitive.
Un tel débat n’est pas nouveau. Déjà, au début du XXème siècle, Clémenceau opposait aux luttes ouvrières les aspirations d’une liberté individualiste. Face à Jaurès qui défendait les ambitions de l’émancipation collective.
Désormais, nul doute que ceux qui ont récemment défendu Thiers comme celui qui a sauvé la république contre les excès des communards, pourront aussi bien défendre Clémenceau appelant la troupe contre les grévistes, faisant comme si ordre public et intérêt général se confondaient et cela au prix d’un recours illégitime à la violence.
De telles affirmations ne peuvent séduire que ceux qui ignoreront ou feindront d’ignorer que les entraves de l’injustice sociale sont bien plus contraignantes que les entraves de la grève et que la liberté sans égalité n’est qu’une illusion soigneusement entretenue par le libéralisme.
C’est pourquoi il est du devoir du syndicalisme de dire et d’expliquer tout ce qui contribuera à briser une telle illusion, à en montrer les insupportables contradictions, à en dénoncer les méprises… A ceux qui voudraient réduire la démocratie à la satisfaction immédiate de la liberté individuelle et pour cela seraient prêts à limiter le droit de grève, il faut répéter comme Jaurès l’avait répété au lendemain des luttes de Carmaux qu’une grève victorieuse donne un élan nouveau à la démocratie. Un élan contre la fatalité des dominations économiques et des inégalités sociales.
Éditorial de la lettre de l’Institut de recherches de la FSU du 1er décembre 2019
Paul Devin, président de l’IR.FSU