8 mars : la détermination féministe est nécessaire à l’égalité et à la justice sociale
Le chiffre des féminicides laisse penser que 2022 ressemblera aux années précédentes. Des femmes périront sous la violence des coups de leurs conjoints et ex-conjoints. Malgré les plaintes déposées, elles ne bénéficieront pas des plus élémentaires protections. Parfois même c’est l’injure et le mépris qui continueront à accueillir leurs appels ; souvent c’est l’indifférence qui les laissera enfermées dans le silence. Au sein même des entreprises ou des institutions publiques, les violences perdurent et c’est parfois en toute impunité que leurs auteurs persistent.
Sans doute, les affirmations du discours ont-elles progressé mais, à l’épreuve de la réalité, leur détermination se délite et de vieux réflexes cherchent encore à culpabiliser les victimes et à relativiser l’importance des violences subies.
Sur le plan de l’égalité salariale, les assurances de progrès énoncées en début de mandat présidentiel n’ont pas été suivies de beaucoup d’effet. Les écarts de salaire et de pension persistent et les progressions de carrière restent marquées par un net désavantage pour les femmes. Bien des rapports et des travaux de recherches ont montré combien, au-delà des apparences, les inégalités restaient profondément ancrées et le constat d’avancées ne peut suffire à ignorer une réalité toujours largement marquée par une situation défavorable aux femmes.
Alors que les discours politique ou médiatique célèbrent le rôle essentiel des travailleuses en première ligne face à l’épidémie, leur précarité ne cesse de s’accroître, leurs conditions de travail ne cessent de se dégrader, leur pouvoir d’achat continue à baisser.
La situation des femmes travaillant auprès des personnes âgées dépendantes offre un exemple probant de la convergence des revendications féministes et de l’intérêt social commun. Mais comment ces femmes pourraient-elles être convaincues d’une perspective de changement, quand malgré la dénonciation d’une réalité indigne, les politiques mises en œuvre laissent dominer l’impératif des profits financiers sans faire preuve d’une volonté réelle de changement ?
Et si nous pouvons constater qu’une prise de conscience des inégalités subies par les femmes est en œuvre, il faut en constater la fragilité. Bien des propos continuent à interroger la légitimité des revendications féministes au prétexte d’un risque d’essentialisation ou de fragmentation des luttes. Si le débat sur les risques des dérives identitaires et sur les liens avec la question sociale reste légitime et nécessaire, il ne peut se confondre avec une stigmatisation des luttes féministes. D’autant que des discours, notamment ceux de l’extrême-droite, ne cessent de témoigner de la persistance d’une vision où le pouvoir masculin s’inscrirait dans un ordre naturel reléguant les femmes dans la sphère domestique et justifiant leur domination. Nous ne pouvons qu’être des plus inquiets de la manière avec laquelle une partie des médias relaie ces conceptions au prétexte d’un bon sens commun qui laisse la part belle aux pires stéréotypes.
Ce que le féminisme interroge, c’est notre façon de penser la réalité du monde. Le discours de la domination masculine a la prétention de suffire à en rendre compte parce qu’il craint que la diversité puisse conduire à mettre en doute les certitudes sur lesquelles elle fonde son pouvoir et ses intérêts.
De ce fait, la détermination féministe est nécessaire à l’égalité et à la justice sociale.
Éditorial de la lettre de l’Institut de recherches de la FSU du 7 mars 2022
Paul Devin, président de l’IR.FSU