Une révolution copernicienne ?
Dans le courrier qu’il adresse aux enseignants, le président de la République leur promet une révolution copernicienne… car désormais, assure-t-il, la réforme viendra du terrain, pour que les enseignants aient les « coudées franches » et puissent librement agir en faveur de l’égalité de leurs élèves.
Combien une telle annonce nous étonne alors que ce même président avait maintenu, record inégalé, pendant tout son premier mandat un ministre de l’Education qui se caractérisait justement par une conception autoritariste des plus descendantes. Pourquoi a-t-il laissé pendant cinq ans le joug le plus coercitif se mettre en œuvre pour nous promettre maintenant la liberté ?
Combien nous allons peiner à y croire à cette révolution, alors que la profession, cadres compris, réclame le report de plusieurs mois des épreuves de spécialités sans être entendue. Combien nous allons douter de sa sincérité quand se prépare une réforme de l’enseignement professionnel qui fait la sourde oreille à ce que disent, depuis des années, les enseignants des lycées professionnels. Et que dire des évaluations CP ou des préconisations d’apprentissage de la lecture mises en œuvre par JM Blanquer : la liberté sera désormais de mise ?
Depuis des décennies, la culture managériale ne cesse de rogner les marges de manœuvre des acteurs à coup d’indicateurs de performance et de rationalisation technocrate. Elle a tant abîmé les conditions de travail des agents que l’envie de devenir fonctionnaire ne suffit plus à remplir les concours.
Et voilà que d’une formule incantatoire, le président voudrait faire croire qu’au seul énoncé d’une réforme, son effet performatif transformerait la réalité. Le président proclame la réforme comme le roi guérissait les écrouelles par la vertu thaumaturge de sa parole.
Mais voilà … il n’y aura point de changement révolutionnaire qui nous permettrait enfin une école plus égalitaire. Pas plus qu’il n’y a eu de fin du chômage suite à la réforme du travail. Pas plus qu’il n’y a eu d’infléchissement suite à la Convention citoyenne pour le climat dont le président devait retenir la quasi-totalité des propositions.
En réalité seul un changement profond s’opère … en ligne de fond.
Celui qui sape les services publics, les rend toujours moins satisfaisants, les éloigne de ceux qui en ont le plus besoin, les étouffe dans les absurdités technocrates de la rationalité libérale pour mieux leur substituer l’État startup et la concurrence auto-entrepreneuriale.
Et de temps en temps, pour que cette réforme de destruction ne puisse être trop visible… l’énoncé d’une promesse généreuse mais toujours vaine.
Éditorial de la lettre de l’Institut de recherches de la FSU du 20 septembre 2022
Paul Devin, président de l’IR.FSU