Published On: 20 juin 2023Categories: Editoriaux de la lettre électronique

A en croire une récente enquête du CNAL publiée par Libération[1], seule une moitié des enseignants est capable de définir les principes essentiels de la laïcité. Les annonces ministérielles ambitieuses d’une formation généralisée se heurtent à la réalité de sa mise en œuvre. A ce jour à peine plus de 15% des enseignants en ont bénéficié. Mais le problème n’est pas seulement quantitatif et les témoignages de participants montrent combien les contenus de formation diffèrent suivant les formateurs. Certains semblent tellement attachés à la mobilisation d’une lutte contre le risque islamiste et ses « signaux faibles de radicalisation » qu’ils en négligent la construction d’une culture historique et politique capable de fonder une connaissance solide des principes de laïcité. Agissant ainsi, ils prennent le risque que l’éducation à la laïcité se réduise à un contrôle des comportements et à l’exigence de contraintes. Alors qu’une formation des enseignants à la laïcité devrait, au contraire, construire une représentation des principes de laïcité et interroger les modalités pédagogiques de leur transmission sans oublier que la finalité première est l’affirmation de la liberté de conscience et non sa restriction.

La laïcité : des droits pour les citoyennes et citoyens, des obligations pour l’État.
La laïcité ce sont, tout d’abord, des droits affirmés pour toutes et tous : la liberté de conscience et le libre exercice des cultes. Et la loi de 1905 ne fait pas qu’affirmer ces principes, elle les garantit notamment en prévoyant des condamnations pénales pour celles et ceux qui voudraient tenter de réduire ces droits par la force ou la pression.
Ensuite, la laïcité affirme une séparation des Églises et de l’État qui proscrit le subventionnement de toute dépense relative à l’exercice des cultes et interdit l’ingérence de l’État dans l’organisation des cultes. Ce principe de séparation est une condition d’égalité pour les citoyennes et les citoyens qui ne peuvent être objet de privilèges ou de discriminations du fait de leur croyance religieuse. Cette volonté égalitaire contraint à l’obligation de neutralité pour l’État et ses agents et interdit toute mainmise cléricale sur les politiques publiques.

Éduquer à la laïcité
Nul doute que les principes de la laïcité ne sont pas, a priori, acquis par l’ensemble des élèves. D’aucuns viendront, un jour, tenir un discours prosélyte cherchant à exiger une pratique religieuse. D’autres voudront imposer un préjugé dont ils expliqueront qu’ils ne peuvent, pour des raisons religieuses, y renoncer. Parfois ce sera le jeu d’une conviction sincère, parfois celui d’une provocation adolescente, parfois seulement la volonté d’être reconnu au travers d’une singularité…
Mais à chaque fois, le rôle de l’école doit rester avant tout celui de l’éducation : former la raison et le jugement critique, transmettre les savoirs qui mettent à l’épreuve les superstitions et les préjugés. Et tout cela est affaire de pédagogie, de patience… Justement parce qu’on ne combat pas les préjugés par l’exigence d’une conformité comportementale immédiate mais par la transmission d’une culture commune capable d’émancipation.
La dénonciation alarmiste de faits singuliers mis en scène pour laisser croire à un péril imminent, la recherche obsessionnelle de signes ostentatoires, la médiatisation d’actes qu’on instrumentalise pour dramatiser la situation… ne servent aucunement la laïcité. N’y cédons pas et recentrons-nous sur la volonté d’une éducation qui, capable de transmettre les savoirs indispensables à la construction de jugements éclairés, fait de la laïcité le pari démocratique de la liberté. Car comme l’affirmait Jaurès, en 1904, à la distribution des prix de l’école publique de Castres : « Démocratie et laïcité sont deux termes identiques[2]. »

 

 

[1] Libération, 15 juin 2023

[2] L’Humanité, 2 août 1904, p.1

Éditorial de la lettre de l’Institut de recherches de la FSU du 20 juin  2023
Paul Devin, président de l’IR.FSU