Créé en juin dernier le chantier Femmes Savoirs Pouvoirs s’est réuni début avril en mode confiné et a finalisé sa fiche chantier qui fixe ses grands axes de travail pour les deux trois années à venir. En ce temps de confinement toutes les inégalités, discriminations et violences,, dont celles que subissent les femmes, sont exacerbées alors que la « révélation » de l »importance du travail de reproduction sociale ébranle une hiérarchie sociale des métiers, des activités qui discriminait les femmes en premier lieu. C’est un enjeu du chantier de tenir compte des expériences, des réflexions de ce moment de confinement pour nourrir et enrichir sa réflexion.

Fiche chantier Femmes Savoirs Pouvoirs – mars 2020

Présentation générale

Un des traits marquants des nombreux mouvements sociaux depuis l’automne 2018 est la place des femmes, très investies dans les mobilisations, voire même à l’origine de certaines.
Au coeur des débats pour penser les alternatives, la lutte contre toutes les formes de discriminations et violences faites aux femmes, l’exigence de l’égalité Femmes –Hommes …sont des questions qu’elles ont su imposer et qui sont aujourd’hui parmi les plus présentes.

Or malgré ses résolutions de congrès et son engagement dans les luttes, la FSU comme ses syndicats ont le plus grand mal à traduire ces objectifs dans leurs fonctionnements internes et dans leurs plateformes revendicatives.

Le chantier FSP, créé en 2019, a choisi de travailler ces questions sur deux plans.

1/ Sérier des enjeux particuliers, spécifiques à des terrains concrets pour lesquels nous mènerons des recherches. Il s’agit :

- d’une enquête sur la place accordée par les syndicats de la FSU à la question de l’égalité Femmes-Hommes dans leurs mandats mais aussi dans leurs activités régulières ou occasionnelles. Nous nous attacherons particulièrement au parcours des militant.es impliquées au niveau national, afin d’en observer l’influence sur l’implication des syndicats.

- d’une étude des associations Femmes et xxx (math, sciences, …) sur le terrain de l’ESR, seules organisations visibles dans ce secteur sur les questions de la lutte contre les inégalités. Nous nous intéresserons tout à la fois aux buts affichés par ces associations, leurs valeurs et normes implicites, et aux valeurs et normes des collègues qui s’y engagent.

- d’une étude historique des relations et interactions entre le syndicalisme et le mouvement féministe. Nous nous attarderons en particulier sur l’émergence et le déploiement de la quatrième vague.

Si ces trois terrains vont se développer séparément, il est évident que nous serons amené·es à établir des rapprochements, des éléments de comparaison. Le terrain commun sera en effet à en grande part formé des personnels qui concernent les syndicats de la FSU et de leurs militant.es.

2/ Se donner a minima pour tâche la clarification des concepts tels l’universalisme, la racialisation ou l’intersectionnalité, qui posent aujourd’hui des questions clivantes qui impactent en ce XXIe siècle le mouvement féministe et l’antiracisme, et regarder en quoi ils bousculent également le syndicalisme.

Le chantier a également pour mission d’interagir avec les autres chantiers de l’Institut pour impulser, lorsqu’elle n’existe pas, la prise en compte d’une dimension genrée dans leur réflexion. Nous sommes en effet convaincu.e.s que l’appropriation de cette réflexion est source d’enrichissement et d’approfondissement pour les travaux engagés dans chacun des chantiers.
Parallèlement à l’instauration de cette problématique, et par souci de cohérence, il nous semble pertinent de nous intéresser au fonctionnement de l’IRFSU en chaussant les lunettes du genre.

Notre objectif est de produire de la connaissance « Vous êtes les bienvenues à condition de ne pas faire d’histoires » (Virginia Woolf) a été de tout temps l’adresse faites aux femmes qu’on autorisait à mettre un pied dans un lieu de savoirs et de pouvoirs qui leur avait été jusque-là interdit.

Nous espérons déranger, « faire des histoires », au-delà du Chantier. Cela suppose que la FSU et ses syndicats prennent connaissance de nos éventuels résultats, voire se les approprient, au-delà des secteurs Femmes lorsqu’ils existent.

Notre ambition est de promouvoir des leviers pour impulser une prise de conscience sur ces questions, pour en faire advenir un sujet de discussion sur le terrain, avec l’objectif de bousculer les pratiques au cœur des lieux de travail, de décision et bien sûr celles des organisations syndicales.

Pour y parvenir, il nous faudra tout mettre en œuvre pour faire connaître ces travaux. Cela passe par différentes modalités

- restitution des résultats de nos recherches à l’interchantier de l’IRFSU ; au secteur Femmes de la FSU ; au CDFN ; aux instances des syndicats qui en feront la demande
- organisation de stages de formation destinés à des militant.es de niveau national et local des syndicats de la FSU
- coordination du dossier Regards Croisés du mois de décembre 2020
- une publication s’appuyant sur nos travaux et ceux qui nous auront éclairé.es

Terrain n°1 – La place accordée par les syndicats de la FSU à la question de l’égalité Femmes-Hommes (Dominique Cau-Bareille et Michelle Olivier)

Cette recherche porte sur la place accordée par les syndicats de la FSU à la question de l’égalité Femmes/Hommes dans leurs mandats mais aussi dans leurs activités, régulières ou occasionnelles.
Alors que la loi exige la mise en oeuvre d’un certain nombre de dispositifs favorisant l’égalité Femmes/Hommes, tant professionnellement qu’au niveau de la représentativité, le questionnement porte sur 2 axes principaux :

• Trouve-t-on, dans les syndicats de la FSU, des personnes convaincues qu’il y a un combat à mener pour l’égalité Femmes/Hommes au niveau professionnel ?

• Est-ce que la prise en charge des questions d’égalité professionnelle dans un syndicat dépend d’un engagement individuel ?

Pour mener à bien cette recherche, une enquête sera menée, interrogeant successivement un·e secrétaire général.e et un.e militant.e référent.e à l’égalité (si toutefois il ou elle existe) de chaque syndicat.

Parallèlement à ces entretiens, est prévue l’audition des militantes en charge du Secteur Femmes de la FSU, très investi sur cette question.

La contribution des syndicats de la FSU est essentielle pour mener cette réflexion collective autour de la question de l’égalité femmes/hommes afin de connaître la réalité de cette problématique au-delà d’éventuels mandats, y compris chez les adhérent·es. Elle contribuera à interroger l’ensemble des actions à entreprendre pour la promouvoir, que ce soit au niveau des structures syndicales ou des combats mener pour transformer le travail des agent·es en termes d’égalité professionnelle.

Elle posera la question des savoirs partagés au sein du syndicat pour en faire un objet de travail syndical collectif ou au contraire réservé aux expert·es.

Terrain n°2 – Normes et valeurs des associations Femmes et… dans l’ESR et de leurs
adhérentes (Anne Schuhl, Christine Eisenbeis, Hélène Guennou, Hélène Gispert, Yves
Baunay)

Aujourd’hui, sur le terrain de l’ESR, les seules organisations visibles sur les questions de la lutte contre les inégalités sont les associations Femmes et …, ainsi que des comités parité de laboratoires ou d’organismes. C’est aux premières que nous nous intéressons.

Nous nous attachons à deux aspects :

1/ les buts affichés de ces associations et leurs valeurs explicites et implicites de « réussite » à l’université et dans la recherche
2/ les valeurs des personnes qui s’y engagent Une caractéristique de ces associations, à travailler particulièrement dans les deux volets de notre terrain, est le modèle explicatif des inégalités à l’oeuvre. De quel modèle s’agit-il ? Se place-t-il à l’échelle des individus (Les « handicaps individuels » selon S. Pochic : ce que sont, ce que font les femmes), à l’échelle du système de l’ESR et du patriarcat ? Qu’en est il pour des militantes ?

Méthodologie

Pour le 1/ étude des objectifs affichés et des actions proposées
Pour le 2/ enquête par entretien avec grille

Un dernier objectif, avec ce travail, est d’en tirer un bénéfice pour notre syndicat (de transformation sociale) afin qu’il prenne la mesure du niveau d’intervention nécessaire sur ces questions, dont la nécessité de bouger le système, qui fabrique les inégalités de genre dans l’ESR.

Terrain n°3 – Syndicalisme et genre, une approche historique (Josiane Dragoni)

Dans la suite du travail effectué pour l’ouvrage sur l’histoire de la FSU, Dans la cour des grands (2019), il s’agit, à partir de l’étude la FSU, d’approfondir les relations et interactions entre le syndicalisme et le mouvement féministe.

Il s’agirait de travailler conjointement des problématiques étroitement liées.

1/Si le syndicalisme a profondément évolué sur ces questions depuis ses origines, il a toujours accusé des retards sur le mouvement féministe et la FSU ne fait pas exception. Pour quelles raisons ? Comment analyser les évolutions actuelles notamment depuis ce qu’on peut appeler la phase ouverte par #Metoo ?

2/En ce XXIe siècle, des divisions importantes impactent le mouvement féministe et l’antiracisme notamment autour des questions d’universalisme et de laïcité, non sans répercussions au sein du syndicalisme. Il s’agira, dans le cadre de la première étape, la nécessaire clarification des concepts (cf supra), d’introduire la dimension historique.

3/Le syndicalisme de la charte d’Amiens, dont se réclame la FSU, se donne comme perspective l’émancipation. Invalidant la fin de l’Histoire, de nouvelles formes de luttes et d’émancipation s’inventent tous les jours dans le monde. Si le féminisme y participe activement (malgré ses divisions) ainsi que d’autres mouvements qui ont vu le jour notamment dans les années 2010 (Occupy, printemps arabe, etc.), le syndicalisme semble à la traine. Y compris la FSU. Pourquoi ? Sur ce point 3, il s’agira de se donner un cadre d’analyse et des modalités précises à venir.