Deschamps Michel, né en 1939 dans l’Eure. Secrétaire général de la FSU (1993-1999).
A dirigé la FSU à sa création.
Avec son CAP de coupeur de chaussures en poche, M Deschamps va de petit boulot en petit boulot. Il fait ses premières armes syndicales à la CGT. Communiste, un temps, il quitte ce parti à la fin des années 70, marqué par une certaine culture, un « esprit de révolte » qui avait été précoce. Pourtant, à travers son engagement, il recherche constamment l’unité des forces progressistes car il pense qu’il n’y a pas de solution pour un mouvement radical, en dehors d’une unité avec le parti majoritaire de gauche. A ce titre, il faut absolument poursuivre, selon lui, le dialogue ou la confrontation unitaire avec le parti socialiste. Revenant sur son expérience de militant politique, il écrira plus tard : « En France, la gauche possède deux pôles et c’est leur confrontation et leur dialogue qui assure la vie démocratique. Cette diversité de visions est une richesse…».
Appelé en Algérie au moment de la guerre, il en revient décidé à tenter sa chance à l’Université. En 1966, il effectue sa première rentrée, comme maître auxiliaire, au lycée agricole du Neubourg, dans l’Eure. Il s’inscrit aussitôt au syndicat national de l’enseignement technique agricole public de la FEN. Il en prendra les rênes moins de dix ans plus tard, en 1975, en étant élu premier secrétaire du Snetap.
En 1992, quand la FEN explose et donne naissance dans la foulée à la FSU, Michel Deschamp en devient le premier secrétaire général. Issu du syndicalisme de l’enseignement agricole, il représente alors un certain « dénominateur commun » entre des militants formés à l’école des conflits internes de la FEN, mais tous décidés à se lancer dans une nouvelle aventure syndicale. Par son nombre d’adhérents et par sa représentativité, la FSU devient très vite, dès la fin 93, première dans l’Education ; et dès la fin 1996, première dans la fonction publique de l’Etat, elle se présente comme la principale organisation des fonctionnaires.
A propos du « succès de la FSU », certains observateurs n’hésitent pas à dire de Michel Deschamps qu’il « en [fut] le réalisateur ». Il va diriger la FSU depuis sa création, en avril 1993, jusqu’à sa démission en mars 1999. Il existait alors des éléments de discorde, à propos de l’opposition à la politique de Claude Allègre, ministre de l’Education nationale. Michel Deschamp assume son choix et décide de démissionner : « Je [pensais] que nous [pouvions] ponctuellement faire des actions communes et favoriser le dialogue avec les forces conservatrices, y compris syndicales, mais qu’il [fallait[ faire attention aux effets d’affichages qui [pouvaient] nous lier durablement aux conservateurs et briser le mouvement progressiste. Je n’ai pas su me faire entendre suffisamment… ». Il reçoit, dans le même temps, de la part de Robert Hue, secrétaire du PCF, la proposition de faire partie de sa liste Bouge L’Europe, pour les élections européennes, et il accepte.
Un membre d’un cabinet d’un ministre socialiste de l’agriculture se souvient de lui comme d’un homme qui était finalement plus disposé à la discussion qu’il n’en donne l’impression, un bosseur qui connaît ses dossiers, « interlocuteur rugueux toujours sur ses garde », et qui a compris que « le moteur de l’Histoire n’est pas la lutte des classes mais le compromis ».
Cette volonté de dialogue, le secrétaire de la FSU l’a expérimentée avec un bonheur incontestable pour son organisation, en tout cas en termes d’image, avec une vaste enquête réalisée auprès des enseignants, mais aussi des parents et des élèves, sur le système éducatif. « L’école doit être à l’écoute de la société », revendique-t-il. « Le système sera jugé sur sa capacité de souplesse. Les services publics en général et l’école en particulier doivent davantage tenir compte des usagers», estime-t-il.
L’exportation de cette stratégie du dialogue à l’intérieur du monde syndical a semblé plus difficile. La structure syndicale du «groupe des dix[1]», ne fonctionnant qu’avec difficulté. Et, avec les grandes fédérations – CGT, FO, CFDT- Michel Deschamps qui gardait en tête la dérive bureaucratique de la FEN a eu le sentiment de se heurter à un syndicalisme français partagé entre des spécialisations aberrantes : « Il faut dépasser cette conception, nous travaillons tous pour l’intérêt général…»
Membre de l’institut de recherche de la FSU en 2012, et de l’équipe « L’école et ses critiques[2] », M Deschamps, était Inspecteur général honoraire.
[1] Groupe informel de réflexion composé de syndicats indépendants.
[2] Composée de François BOUILLON, ancien Président de l’Institut de Recherches de la FSU ; Danielle CZAL, Directrice d’école d’application, Institut de la FSU ; Gabriel LANGOUET, Professeur émérite des Universités, sociologue ; Stéphane BONERY, Maître de conférence, groupe Escol, Paris 8 ; André ROBERT, Professeur des Universités, LYON 2, sociologue ; Philippe MAZEREAU, Maître de conférence Université de CAEN ; Gérard BLANCHETEAU, Institut de Recherches de la FSU ; Jean-Pierre GAREL, chercheur associé au laboratoire RELACS (Staps), Université du Littoral Côte d’Opale.