L’École et les discriminations raciales
Le modèle universaliste de l’école républicaine pourrait nous laisser croire qu’elle est à l’abri du racisme. D’autant que le discours enseignant rassure par ses engagements antiracistes et que l’institution scolaire elle-même incite régulièrement à des actions destinées à éduquer contre le racisme.
Faut-il croire pour autant que l’affirmation par des élèves, des parents, des enseignants d’être victimes de discriminations liées à leur racialisation ne relèverait que d’un sentiment subjectif ou d’une posture victimaire ?
Bien des recherches[1] ont montré la réalité de ces discriminations et de leurs effets sur les orientations scolaires mais aussi de leurs liens avec une ségrégation spatiale[2] qui ghettoïse des établissements scolaires et multiplie leurs difficultés. Au sein même de la classe, dans les pratiques pédagogiques comme dans la relation aux élèves, des biais de jugement empruntent aux stéréotypes pour influer sur la réussite des apprentissages. Et il arrive que des discours de normalisation des attentes parentales relèvent de stratégies d’assimilation qui considèrent les différends culturels comme des méconnaissances ou des incompréhensions[3] .
Nous ne pouvons plus nous suffire du constat d’un engagement antiraciste des enseignant·es et des personnels pour croire que la conception universaliste de notre école suffirait à la protéger des discriminations liées à l’origine. L’analyse antidiscriminatoire[4], aux conditions des précautions méthodologiques nécessaires pour éviter des interprétations hâtives, est capable de permettre une prise de conscience qui s’avère indispensable pour que les acteurs, au-delà de leurs volontés antiracistes, identifient dans l’ensemble des faits de la vie scolaire, ceux qui contribuent à produire des traitements inégalitaires qui privent les victimes de leurs droits ou portent atteinte à leur dignité.
Quant aux réserves qui pourraient être faites, de crainte que les facteurs sociaux, pourtant majeurs puisque les personnes racialisées appartiennent le plus souvent aux classes sociales dominées, en soient invisibilisés, l’intersectionnalité nous permet justement d’éviter la stérile mise en concurrence de la part respective des facteurs de discrimination, pour en comprendre les interactions et les renforcements mutuels.
Pour aller plus loin dans la compréhension de la nécessité de cette analyse antidiscriminatoire, l’IR.FSU publie un nouveau document « Ressources pour la formation syndicale » que vous trouverez sur notre site.
[1] Pour les références de ces travaux, voir : IR.FSU, L’École et les discriminations racistes, Ressources pour la formation syndicale n°11
[2] Georges FELOUZIS, Françoise LIOT et Joël PERROTON L’Apartheid scolaire. Enquête sur la ségrégation ethnique dans les collèges, 2005
[3] Chloé RIBAN, Des enseignant·es face à des enfants et des parents jugés « non conformes », Agora débats/jeunesses, 2021, 87(1), p.25-38.
[4] Fabrice DHUME-SONZOGNI, Les discriminations scolaires, une mise en perspective des connaissances, 2025

Éditorial de la lettre de l’Institut de recherches de la FSU du 4 décembre 2025
Paul Devin, président de l’IR.FSU
