L’ignorance du peuple fait la force des classes dominantes.
L’ignorance du peuple fait la force des classes dominantes. La formule est de Victorine Brocher, communarde engagée dans la bataille contre les Versaillais au fort d’Issy et dont les mémoires [3] ont servi de fil conducteur à un récent documentaire diffusé par Arte [4]. « L’ignorance est notre plus grande ennemie » écrit-elle, persuadée que cette ignorance mène le peuple à sa perte.
Cette conviction fut au cœur du projet scolaire de la Commune.
Quelques jours après l’installation du Conseil de la Commune du Paris, ses membres, recevant les délégués de la Société de l’Éducation nouvelle, affirmèrent leur volonté d’engager une réforme radicale de l’éducation considérant qu’une éducation républicaine constituait une nécessité incontournable « pour préparer la jeunesse au gouvernement d’elle-même ». Car ce qui fit la force du projet scolaire de la Commune est sa radicalité qui affirma le droit universel à l’instruction dans une école commune à tous les citoyens, y compris par une même éducation pour les filles et les garçons, et la mixité sociale de sa mise en œuvre grâce à la gratuité et à l’obligation. Mais plus radicale encore, notamment par rapport aux projets de Carnot en 1848, fut l’affirmation de la nécessité de la fin de toute mainmise religieuse afin de garantir une éducation capable d’exercer une liberté du jugement guidée par la raison. La Commune voulut une école républicaine laïque.
La Commune affirma aussi sa volonté d’une « éducation intégrale » dont Édouard Vaillant, délégué à l’Instruction publique, disait [5] qu’elle devait assurer la base de l’égalité sociale et garantir une éducation capable à la fois de « l’instruction scientifique et littéraire » et de « l’apprentissage d’une profession » et cela dans la perspective émancipatrice d’une lutte contre l’aliénation. L’école ne pouvait se contenter de servir un projet républicain, il fallait que ce soit celui d’une république démocratique et sociale.
Notre réalité républicaine, dans le contexte ultra-libéral qui est le nôtre, est loin d’être portée par une telle volonté de construire nos valeurs par les perspectives d’une démocratie réelle, d’une égalité effective et d’une véritable justice sociale.
Tout cela n’empêche pas, Nicolas, qu’la Commune n’est pas morte [6].
Que ce numéro de Regards croisés contribue à en faire vivre les volontés démocratiques et égalitaires.
[3] Victorine B., Souvenirs d’une morte vivante, 1909
[4] Les damnés de la Commune réalisé par Raphaël MEYSSAN, 2021
[5] Déclaration d’Édouard Vaillant, 17 mai 1871
[6] Chanson d’Eugène Pottier, 1885 (voir page 11 de Regards Croisés n°37)
Éditorial de la lettre de l’Institut de recherches de la FSU du 30 mars 2021
Paul Devin, président de l’IR.FSU