Lutter pour permettre à chacun de reconstruire le sens de son travail

En choisissant de se donner la mort sur son lieu de travail et d’en écrire publiquement les motifs, Christine Renon, directrice d’école, a voulu poser la question du travail de la façon la plus tragique, la plus cinglante qui soit. Elle fait le récit d’une vie ordinaire où les finalités de son activité professionnelle sont submergées par la pression des demandes et l’insuffisance des moyens au point que le sens même de cette activité finisse par se perdre.
Comme à chaque fois que le suicide se lie intimement à la souffrance au travail, d’aucuns chercheront quelque explication dans une fatalité économique ou sociale, dans une fragilité psychologique, dans la difficulté présumée à s’adapter aux évolutions mais nous savons bien que les raisons véritables sont ailleurs, dans une gouvernance du travail qui cherche en permanence à astreindre l’activité humaine à des pressions de rentabilité, à des obsessions de normalisation, parfois même à d’inutiles tracasseries.
Et tout cela dans l’ignorance de la réalité quotidienne de souffrance et d’incompréhension que ces impératifs produisent.
Mais aucune fatalité économique ou sociale ne doit nous contraindre à accepter cela, à considérer l’aliénation comme un sort regrettable mais incontournable!
C’est pourquoi nous devons lutter pour permettre à chacun de reconstruire le sens de son travail. Et cela signifie à la fois lui permettre de s’en approprier les exigences, celles dictées par les finalités de l’intérêt général ; lui permettre de concevoir, fort de son expertise professionnelle, les modalités par lesquelles il met en œuvre son activité ; lui permettre de construire, par le collectif de travail, les solidarités de réflexion et d’action qui permettent la résolution des problèmes.
Et tout cela en considérant comme impératifs premiers de la gouvernance du travail, le respect de chacun, le droit à sa dignité et la reconnaissance de sa contribution au bien commun.

Éditorial de la lettre de l’Institut de recherches de la FSU du 1er octobre 2019
Paul Devin, président de l’IR.FSU