Published On: 15 avril 2021Categories: Interviews

Anicet Le Pors et Gérard Aschieri viennent de publier une nouvelle édition actualisée de leur livre « La Fonction Publique du XXIème Siècle ».

Anicet LE PORS, Gérard ASCHIERI
La fonction publique au XXIè siècle
Nouvelle édition mise à jour
L’Atelier, 2021, 239 pages, 22€

Deux questions à Gérard Aschieri

Qu’est ce qui justifie une réédition et qu’y-a-t-il de nouveau ?
Quand nous avions publié la première édition en 2015 nous avions conçu ce livre non pas comme un ouvrage de circonstance mais comme une réflexion de fond : il s’agissait de combattre un discours dominant chez les responsables politiques et les médias autour des privilèges des fonctionnaires et l’archaïsme du statut ; et de rappeler ce qui a conduit à la mise en place d’une fonction publique, les principes qui la fondent, ce qu’elle est vraiment mais aussi montrer son actualité, son apport à notre société et affirmer son avenir. Et l’essentiel de ce que nous avions écrit est toujours valable. Mais depuis cette date un certain nombre de données ont évolué : par exemple il est frappant de constater l’augmentation du pourcentage de contractuels ou la baisse du pouvoir d’achat en même temps que le maintien global des effectifs

Surtout la politique conduite par Emmanuel Macron a constitué une offensive d’une ampleur inédite contre la conception même de la Fonction Publique, les principes qui a ont présidé à sa construction : une politique qui va à rebours des besoins qu’a mis en lumière la pandémie. Il nous a donc paru nécessaire d’actualiser le livre, non seulement de mettre à jour les chiffres mais aussi de l’enrichir d’une analyse critique de cette politique et ainsi de relancer le débat d’idées autour de l’intérêt d’une Fonction Publique du XXIème siècle. Car plus que jamais ce débat est indispensable.

Au moment ou la loi de Transformation de la Fonction Publique met à mal le statut et généralise la contractualisation comment aide-t-il à y répondre ?
Parmi les ajouts figure tout un chapitre consacré à ce sujet : la politique d’Emmanuel Macron rejoint celle qu’avait tentée Nicolas Sarkozy mais va encore plus loin avec sa loi dite de Transformation de la Fonction Publique : tout en prétendant maintenir le statut elle en mine les fondements. Nous en faisons l’analyse et nous montrons comment elle s’articule avec les autres éléments de sa politique sociale : projet de réforme des retraites, ordonnances réformant le code du travail (et allant au delà de ce qu’avait déjà mis en place la loi Travail) : il s’agit d’affaiblir les garanties collectives de l’ensemble des salariés pour mieux les isoler et accroître les pouvoirs des employeurs ou des « managers ». C’est ainsi que dans la Fonction Publique cette politique renforce le Nouveau Management Public à la fois en développant les contrats, en accroissant les pouvoirs des managers de proximité et en bouleversant les organismes paritaires. Nous montrons aussi que loin d’être « moderne » elle est archaïque et va à l’encontre des besoins de notre société et de ce qu’impliquent les défis auxquels nous sommes collectivement confrontés : pour des services publics efficaces, on a besoin de solidarité, de pérennité de l’action publique, de travail collectif, de citoyenneté et de responsabilité ; pas de précarité ni d’arbitraire ni de mise en concurrence des individus.
Mais le message que nous voulons faire passer est un message d’optimisme : oui malgré toutes ces attaques les services publics et la fonction publique ont de l’avenir pour peu qu’on réfléchisse à ce qu’impliquent ces besoins et ces défis. Et la pandémie a montré le besoin de services publics, la capacité de réaction et d’initiative des agents en même temps que l’importance des valeurs de solidarité et de justice qui sont celles des services publics et des fonctionnaires. Cela ne signifie pas que des évolutions ne sont pas nécessaires mais celles-ci doivent être débattues démocratiquement et s’inscrire dans les principes fondateurs du statut et des services publics.
Bien évidement un livre ne suffit pas : pour contrer ces politiques régressives et faire avancer des alternatives les personnels doivent se mobiliser avec leurs organisations syndicales, en synergie avec les usagers ; mais nous pensons que ces mobilisations ont besoin aussi que l’on mette en lumière les enjeux et les perspectives, que l’on fasse œuvre de pédagogie : c’est notre ambition que d’y contribuer.