Qu’est ce qu’un syndicat féministe ?
Hélène Gispert et Anne Schuhl
Le 30 janvier 2025 le chantier Femmes-Savoirs-Pouvoirs de IRFSU[1] a organisé une table ronde consacrée à cette question. Y participaient Delphine Colin (CGT), Julie Ferrua (Solidaires) et Sigrid Gérardin (FSU), toutes trois artisanes, pour leur fédération, des journées intersyndicales femmes, moment unique où se réfléchissent ensemble syndicalisme et féminisme.
A travers leurs réponses successives leur complicité est manifeste et impressionnante. Elle se fonde sur une convergence de vues et une expérience unitaire constitutive de leur démarche féministe, soulignée à plusieurs reprises par elles trois. Nous avons donc fait le choix d’une présentation commune de leur propos, hélas trop brève pour en rendre la richesse.
Comment la lutte contre la domination patriarcale sur nos vies entières et l’engagement syndical pour relier inégalités sociales et inégalités de genre sont-ils inscrits dans l’agenda de vos fédérations au-delà des 8 mars et 25 novembre ?
Si l’histoire des trois organisations est différente et le fait qu’elles se revendiquent féministes est plus ou moins récent, leur agenda commun est clair. Comme syndicats de lutte et de transformation sociale, il nous faut visibiliser l’imbrication des rapports de domination dont le capitalisme se nourrit, la plus considérable étant l’inégalité Femmes-Hommes. Le féminisme est l’outil indispensable pour renverser les rapports de domination. Au travail, dans la vie, au sein des organisations, en tant que syndicat anticapitaliste il faut systématiquement et dès le début chausser les lunettes du genre et faire les liens entre les différentes luttes à mener.
Au-delà de ces dates symboliques, l’égalité F-H au travail, la discussion, la négociation de droits spécifiques des femmes, les luttes de femmes, sont autant de terrains investis, de militantes qui s’emparent de ces questions. Il y a aussi l’avortement, l’EVARS[2], avancée significative face à la culture du viol, qui vient d’être gagnée et pour laquelle les trois syndicats luttent très longtemps. La capacité à coopérer entre féministes des différents syndicats, fait d’ailleurs partie de cet agenda féministe.
Vos syndicats sont ils des lieux identifiés par les femmes pour mener des combats féministes[3] ?
La conscientisation de la nature féministe des luttes syndicales progresse. Sur les questions du travail (inégalités salariales, avenir des retraites, assises de la santé au travail…)
des féministes font le lien et adhèrent ; de même il y a des luttes et des revendications communes à des associations féministes et à nos syndicats. La lutte contre l’extrême droite est un autre exemple où nos syndicats agissent au sein d’un grand mouvement féministe[4]. Enfin, par des campagnes d’affichage et des actions sur les lieux de travail comme sur les fresques en médecine, nos syndicats sont devenus des lieux identifiés de lutte contre les VSS.
Quels instruments se sont donnés vos syndicats pour progresser dans la voie d’un syndicat féministe[5] ? Quels progrès restent à faire ?
On vit dans une société patriarcale et les syndicats reproduisent en interne les normes patriarcales, le féminisme n’est pas naturel. Il faut se libérer, y compris très concrètement, d’une histoire du syndicalisme au masculin (rapports de force, joutes verbales, temps militant, tâches et responsabilités genrées). C’est un travail de chaque instant et de longue haleine. Les rapports de situation comparée, la mise en place de cellules de veille sont des moyens essentiels.
[1] Institut de recherche de la FSU, https://institut.fsu.fr/femmes-savoirs-et-pouvoir/
[2] Éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle.
[3] Cf. D. Cau-Bareille et M. Olivier « Quelle place pour l’égalité entre les femmes et les hommes dans les syndicats de la FSU », Le SNESUP (729), p. 25-26.
[4] On peut citer #alertes féministes en juin et juillet 2024 avec la Fondation des femmes et plus de 200 organisations.
[5] Cf note 3.