Tribune d’un collectif de femmes de femmes syndicalistes ou politiques et d’associations féministes
parue dans Libé : voir en ligne

Salaires en berne, conditions de travail dégradées, services publics démantelés… Les choix que privilégie le ministre de la Fonction publique sont une attaque en règle contre les femmes qui représentent les 63 % des salariés du public, dénonce un collectif de syndicalistes, politiques et de responsables d’associations.

Infirmières, agentes d’entretien, enseignantes, greffières, travailleuses sociales ou administratives… Les agentes de la fonction publique exercent des métiers essentiels dits d’utilité sociale sans lesquels le pays et la société ne pourraient fonctionner. Les femmes, jeunes et plus âgées, sont également les principales utilisatrices des services publics, notamment dans les secteurs cruciaux de la santé, de l’éducation et des services sociaux.

Malgré leur engagement quotidien à faire vivre les services publics et à servir l’ensemble de la population, les femmes sont l’une des cibles des choix budgétaires des gouvernements successifs qui ont conduit à leur déclassement salarial et à une dégradation de leurs conditions de travail et de santé. Au cours des vingt dernières années, leur pouvoir d’achat a plongé en moyenne de 23 % (1) tandis que leurs perspectives d’évolution de carrière se sont considérablement restreintes. La dernière réforme des retraites a, une fois de plus, désavantagé les femmes. Les politiques de sous-investissement des services publics intensifient les charges de travail et dégradent la qualité des services rendus au public. En conséquence, ce sont tous ces métiers qui peinent à recruter.

L’état des hôpitaux illustre parfaitement cette situation. 4 867 lits (2) d’hospitalisation ont été supprimés cette année portant à 43 504 (2) le nombre total de lits disparus en une décennie.

Pour enrayer cette crise et pour plus de justice sociale et d’égalité, c’est plus de services publics dont nous avons besoin ainsi qu’une véritable revalorisation de ces métiers.

A rebours de ces besoins, le ministre Kasbarian accuse aujourd’hui les fonctionnaires d’absentéismes pour imposer des mesures brutales : trois jours de carence et diminution à 90 % du taux de remplacement en cas d’arrêt maladie, suppressions de postes en masse, fusion de services et autres mesures qui vont fragiliser toujours plus nos services publics et dégrader l’exercice de ces métiers et la santé des femmes fonctionnaires.

Plus âgées que les salariées du privé, les femmes fonctionnaires sont plus exposées aux arrêts de travail – est-il besoin d’expliquer ici l’articulation entre âge et fréquence des arrêts pour maladie ? Ces métiers font partie des plus féminisés, les femmes sont donc nombreuses en situation de monoparentalité ce qui rend ardue la prise en charge de leurs enfants malades. Souvent au contact direct avec les usager·es, les femmes fonctionnaires sont aussi plus touchées par les épidémies saisonnières dont les pics sont parfaitement identifiables – et c’est particulièrement vrai dans les métiers du soin et du lien.

Casser les services publics, c’est renforcer la crise sociale

Les choix politiques du ministre Kasbarian sont injustes et graves, car ils affaibliront l’accès aux services publics pour l’ensemble des usagères, renforceront la précarité et les inégalités territoriales – diminuant la qualité de vie et l’autonomie des femmes. Casser les services publics, c’est aussi renforcer la grave crise sociale et démocratique que notre pays traverse : c’est affaiblir toujours plus les solidarités collectives et faire le lit de l’extrême droite qui se nourrit de ce désespoir social.

Les femmes fonctionnaires représentent 63 % (3) des salariés du public, c’est leur vie globale qui sera encore plus dégradée par les mesures d’allongement du délai de carence et de réduction des indemnités.

Le ministre Kasbarian s’auto-félicite de son courage de s’attaquer aux arrêts maladie des fonctionnaires ! Mais, en réalité : de quoi ce ministre est-il le nom ? Certainement celui de la détestation et de la destruction des droits des agents de la fonction publique. Mais aussi et surtout celui d’un ennemi frontal des femmes salariées et des usagères des services publics.

Et lorsqu’on regarde les besoins immenses en termes de services publics pour éradiquer les violences sexuelles et sexistes, pour gagner l’égalité salariale, pour l’emploi des femmes et la nécessaire revalorisation des métiers féminisées : le choix des politiques austéritaires dans lequel s’inscrivent ces mesures s’opère bien contre toutes les femmes.

Décidément, il ne fait pas bon être femme sous ce gouvernement résolument conservateur !

(1) «Valeur du point d’indice de la fonction publique en France et comparaison avec la valeur qu’il aurait s’il avait suivi l’inflation», Plateforme de diffusion des données publiques de l’Etat, 30 avril 2024
(2) «En 2023, la baisse du nombre de lits et la hausse du nombre de places se poursuivent –Premiers résultats de la base administrative de la statistique annuelle des établissements de santé (SAE) 2023», Publication de la Drees, 31 octobre 2024.(3) «Fonction publique. Chiffres clés 2024», publication chiffres clés Fonction publique 2024.

Signataires :
Clémentine Autain, députée L’Après
Ana Azaria,  présidente Femme Egalité
Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT
Soumya Bouaraha, députée PCF
Lucie Castets, cofondatrice collectifs Nos services publics
Cyrielle Chatelain, députée Les Ecologistes
Caroline Chevé, secrétaire départementale FSU 13
Guislaine David, cosecrétaire générale de la FSU-Snuipp
Ingrid Daroman, Fondation Copernic
Julie Ferrua, codéléguée générale de l’Union syndicale Solidaires
Sigrid Gérardin, coresponsable secteur droits des femmes FSU
Murielle Guilbert, codéléguée générale de l’Union syndicale Solidaires
Fatiha Keloua Hachi, députée PS
Aliénor Laurent, coprésidente Osez le féminisme !
Ursula Lemen, coprésidente Osez le féminisme !
Gaëlle Martinez, déléguée générale de Solidaires fonction publique
Myriam Lebriki, secrétaire confédérale CGT commission femme mixité
Anne Leclerc, porte-parole Collectif national pour les droits des femmes
Dominique Paturel, Fondation Copernic
Alice Pichard, porte-parole Attac
Natasha Pommet, secrétaire générale de la fédération CGT des services publics
Laurence Rossignol, sénatrice PS
Suzy Rothman, porte-parole Collectif national pour les droits des femmes
Danielle Simonet, députée L’Après
Mireille Stivala, secrétaire générale CGT de la santé et de l’action sociale
Sophie Taille-Polian, députée Génération. s
Marine Tondelier, secrétaire nationale des Ecologistes
Aurélie Trouvé, députée LFI
Maud Valegeas cosecrétaire fédérale de SUD-Education
Sophie Vénétitay, secrétaire générale du SNES-FSU
Youlie Yamamoto, porte-parole Attac.