Contrairement à l’affirmation de Jean-Michel Blanquer, tout n’était pas prêt pour assurer la « continuité pédagogique » à partir du 16 mars, date de la fermeture des établissements scolaires. Loin de là !
Les enseignants et les équipes pédagogiques ont dû improviser dans l’urgence des façons de maintenir le lien pédagogique avec les élèves et le contact avec les familles.
Ils ont dû inventer de nouvelles manières de faire pour travailler à distance – comme le rappelle Renaud Marquet dans son témoignage, il s’agit de travail à distance et non de télé-travail qui exigerait un cadre légal et des moyens mis à disposition par l’employeur. En effet, comme ne semble pas l’avoir compris la porte-parole du gouvernement, les enseignants continuent à travailler pendant le confinement, parfois beaucoup.
Des équipes de recherches ont entrepris des enquêtes, des organes de presse ont recueilli des témoignages. Il faudra du temps pour en exploiter la richesse.
Dans un cadre plus large que celui de l’enseignement, les Ateliers Travail et Démocratie ont aussi lancé un appel à témoignages et réflexions.
C’est ainsi qu’ont été recueillis ces quelques contributions [1] qui visent à s’interroger sur le travail des enseignants confrontés aux conditions de la crise sanitaire : confinement, travail à distance, « déconfinement », etc. Les questions suggérées étaient assez larges : « comment organises-tu ton activité, qu’as-tu entrepris, quelle charge de travail, quelles difficultés, quelles satisfactions, comment opères-tu les arbitrages entre travail professionnel et vie domestique, etc. Cela peut être factuel et descriptif, mais sans t’interdire des analyses si tu le souhaite ».
Dans une première contribution, Agnès Carcassonne, professeur d’Histoire-géographie dans un collège péri-urbain, décrit les ajustements qui ont été nécessaires, au cours des premières semaines de confinement et de travail à distance, afin de continuer à enseigner, quels liens se sont noués avec des collègues, les élèves, leurs parents.
Marie Godard , Oscar Lambert et Valérie Gréco sont tous les trois professeurs de sciences économiques et sociales. La première dans un lycée bourgeois du centre d’une grande ville de l’Est, le second dans un lycée de la banlieue populaire de Paris et la dernière dans une petite ville de province. La confrontation de leurs témoignages permet de faire ressortir des similitudes et des différences et d’interroger les ressorts de l’activité enseignante, ce que j’ai cherché à analyser ici.
Dernier témoignage (pour l’instant), celui sous forme d’enregistrements audio, de Renaud Marquet, professeur de physique-chimie en collège. Sans dissimuler les contraintes, techniques, mais aussi familiales, il montre comment s’inventent de nouvelles manières de faire, issus d’expériences accumulées, de partages, de tâtonnements.
Certes, comme le rappelle Frédéric Grimaud, la « continuité pédagogique » est largement un leurre et il n’y a pas d’école sans enseignant.e.s, et la question des apprentissages réels des élèves reste entière, mais le travail des enseignants se ré-invente et, paradoxalement, parfois, des collectifs de (re)créent.
Gérard Grosse du chantier Travail.
[1] Les noms ont été changés.