« De Jeanne d’Arc à Fauvette, l’imaginaire genré que l’école engendra »
Dans l’article que le chantier Femmes Savoirs Pouvoirs avait écrit pour le numéro 35 de Regards Croisés, nous faisions référence au livre de Michèle Le Dœuff Le sexe du savoir de 1998. Dans ce livre, Michèle Le Dœuff questionnait entre autre la signification de la revendication du neutre du savoir et la volonté de clôture intellectuelle que celle-ci traduit.
En février dernier, le séminaire « Genre et autorité en Sorbonne » (Sorbonne Université), qui se propose d’explorer, à partir de perspectives de genre, les questions d’autorité liées au statut et à la fonction d’auteur, recevait Michèle Le Dœuff.
Elle y développe, à partir de la figure de Jeanne d’Arc dans Le Tour de France par deux enfants (1ere édition 1877) et de celle de la mère de famille dans Fauvette et ses frères (1ere édition 1933), la question de l’imaginaire genré que l’école républicaine laïque a engendré.
Jeanne d’Arc, présentée par G. Bruno, pseudonyme masculin de Madame Alfred Fouillée, dans la partie « Les grands hommes (souligné par moi) de Lorraine », est la seule héroïne du livre. Elle y est douce, timide, pure, humble paysanne, et fond en larmes. Elle accomplit de grandes choses sans enfreindre les lois du genre (aucune mention non plus de ses habits d’homme et sa coupe de cheveux, alors que dans cette fin du XIXe le port du pantalon est toujours interdit aux femmes par l’église et par la loi) et sans passer pas la case autorité ou l’exercice d’un quelconque pouvoir social ou militaire. Seule est soulignée sa « ferme douceur », cette autorité du langage accordée aux femmes.
A propos de Fauvette et ses frères, écrit par un auteur et une autrice – mais lui inspecteur, elle institutrice -, je ne retiendrai que la surprenante nature épicène du mot « frères » dans le titre, quand on sait que dans les frères de Fauvette il y a… une sœur. Une remarque à rapprocher de l’usage du terme « enfants » dans le Tour de France, quand il s’agit de deux garçons.