Assemblée nationale :
colloque « Quels services publics ? »
3 février 2024
Intervention de Janine VAUX, secrétaire de la Convergence des Services publics
« Quels nouveaux services publics ? Avec quels moyens ? »
Des enquêtes menées comme dans les quartiers sociaux de Tours et le nord ouest rural de la Touraine ainsi que des remontées d’associations mettent en évidence de nouveaux besoins, en lien à la vie quotidienne des uns et des autres; des besoins qui nécessitent non seulement de conforter et d’améliorer certains Services Publics existants mais aussi d’en créer d’autres.
Certaines associations essaient de pallier des manques mais elles reposent souvent sur des bénévoles qui s’épuisent et se heurtent à un manque de financement.
Alors comment construire ces services publics?
Un souci élémentaire de démocratie suppose de partir de besoins représentatifs de l’intérêt général. Il n’est pas inutile non plus, dans la période, de ne pas perdre de vue la nécessité de reconquête de la conception même des SP et de mettre à mal la pseudo- égalité: privé= public (voire privé supérieur au public) au nom d’un libre choix des individus, qui de fait n’existe que pour ceux qui peuvent s’offrir un accès payant; à noter que dans l’éducation les établissements privés sous contrat bénéficient d’un financement public important, alors que l’école publique en aurait grand besoin.
Pour en définir la forme, et le niveau (quelles autorités organisatrices), il est important de tenir compte à la fois de la nécessité de proximité ( la Convergence soutient pleinement la proposition de loi que D.Obono était venue nous présenter à Lure, initiative que nous avions prise pour remettre les services publics sur le devant de la scène), des réalités locales, mais aussi d’égalité sur tout le territoire.
Quelques exemples:
Actuellement 18 départements ont été retenus pour expérimenter un service public départemental de l’autonomie. Dans mon département il a été mis en place au 1er janvier. En fait, Corrèze autonomie regroupe des services existants: maison du handicap, instances de coordination de l’autonomie installées dans les différents cantons avec un rôle d’information (particularité départementale au demeurant très intéressante), et un centre de télé-assistance élargi en plateforme d’accueil et d’orientation. On voit donc qu’il s’agit d’un guichet unique, sur le modèle des Maisons France Service, qu’il peut y avoir des différences fortes d’un département à l’autre; et le choix gouvernemental qui a été fait à priori d’un service départemental dont le but affiché est de se contenter d’orienter, va permettre de se défausser largement en terme de financement même si un petit financement doit être distribué par le CNSA (caisse nationale de solidarité pour l’autonomie).
Ces dispositions sont bien en deçà de la loi « Grand Âge » initiale sans cesse annoncée et reportée, et des demandes de la Convergence d’un véritable service public national du maintien de l’autonomie nourri d’une réflexion sur la situation des aides à domicile et des EPHAD ( quid des EPHAD privés à but lucratif?), sur le financement de la perte d’autonomie qui devrait être, dans le cadre d’une solidarité nationale, intégrée dans la branche maladie de la Sécurité Sociale et non faire l’objet d’une 5eme branche
Autre exemple, celui d’un besoin vital : l’alimentation.
Un sujet qui prend de l’ampleur mais les contours semblent un peu difficiles à trouver.
Certaines organisations revendiquent la mise en place d’une véritable démocratie alimentaire, à même de relier politiques agricoles et alimentaires, pour structurer la production et l’accès pour toutes et tous à une alimentation de qualité.
On devrait donc réfléchir à la mise en place d’outils (sous une forme à définir, sécurité sociale alimentaire ou autre) qui permettraient d’assurer à la fois le droit à l’alimentation pour toutes et tous aussi bien chez soi que dans les cantines (scolaires, professionnelles,…) et le droit pour les producteurs et leurs salariés de vivre correctement de leur métier.
De plus en plus d’associations réclament aussi la création d’un grand service public du logement et de l’habitat nécessaire pour mettre en œuvre le droit au logement. Car des familles ou des personnes seules ne peuvent trouver que des logements insalubres, des passoires thermiques elles enrichissent des marchands de sommeil quand elles ne sont pas condamnées à la rue. En effet, aujourd’hui 80% des logements construits sont inaccessibles à 80% de la population.
Dans le domaine de l’énergie, l’actualité a mis en évidence l’aberration ou conduisaient les directives européennes et le gouvernement en obligeant l’opérateur public d’électricité EDF à vendre à perte de l’électricité qu’elle produit à des opérateurs privés qui peuvent la revendre à prix fort. ce sont 12 millions d’individus en France qui sont en situation de précarité énergétique. Ce qui pose, malgré les difficultés et des points de vue parfois divergents sur la transition énergétique, la question d’un service public de l’énergie reconquis au niveau national.
Et les discussions qui ont émergé lors du colloque initié par la Convergence et ses partenaires le 16 décembre sur services publics et Europe, préconisent d’œuvrer pour qu’il se mette en place en lien avec une Agence européenne dédiée.
Tout cela n’empêche pas de considérer comme appréciables les services publics municipaux dont a parlé le maire de Trappes, lorsqu’il y a des carences de l’Etat.
Je ne ferai pas de catalogue à la Prévert des SP à créer, ils seraient nombreux : la transition écologique dont on a parlé, l’eau, le fret ferroviaire, la petite enfance et un pôle public du médicament et des dispositifs médicaux, pour lequel un projet de loi vient d’être déposé ce qui permettra d’ouvrir (ou réouvrir) le débat.
L’actualisation des SP (en particulier l’éducation et le système de santé qui nécessiteraient un plan d’urgence), la création de nouveaux SP, les besoins de plus en plus nettement formulés de gratuité, notamment dans les transports urbains, supposent un financement à la hauteur de ces besoins. Ce n’est pas la charge insupportable qui est souvent mise en avant par nos dirigeants, c’est aussi une richesse sociale et économique et un investissement solidaire pour l’avenir. L’industrie en bénéficie.
Ce qui ne veut pas dire que c’est sans limite et il faut être vigilant sur le périmètre, mais cela relève d’un choix de société.
Le financement des services publics impose une fiscalité juste et redistributive: art 13 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen: «pour l’entretien de la force publique et les dépenses d’administration une contribution commune est indispensable, elle doit être également répartie entre les citoyens, en raison de leur facultés.
Que ce financement passe par un meilleur partage des richesses est indispensable et chacun connaît des pistes: faire le ménage dans les niches fiscales, taxer davantage les grandes fortunes, lutter contre l’évasion fiscale, etc…
La campagne des Européennes peut être l’occasion de revendiquer un fonds européen pour les SP financé à 0% par la BCE
A côté de l’impôt il ne faut pas oublier le financement par la cotisation sociale pour ce qui relève de la Sécurité Sociale.
Pour redonner de l’espoir à la population, il est indispensable de prendre la question des SP à bras le corps: ce sont des piliers essentiels d’un projet de société. Donc un grand merci pour cette initiative et pour la suite qui pourra lui être donnée
Conclusion: la Convergence s’est construite sur un trépied : usagers, personnels, élus; associations, organisations syndicales, partis politiques.
Plus que jamais cette convergence paraît indispensable pour construire les nouveaux services publics dont nous avons besoin.