Ismaïl FERHAT et Sébastien LEDOUX, Une école sous le choc ? Le monde enseignant après l’assassinat de Samuel Paty, par Editions Le Bord de l’Eau, 2024.

A partir d’une enquête qui demande et annonce de plus larges développements, Ismaïl Ferhat et Sébastien Ledoux livrent ici quelques premiers éclairages sur ce qu’a été la perception et la réaction des enseignants face à l’assassinat du professeur d’histoire Samuel Paty, le 16 octobre 2020. Un attentat islamiste bientôt suivi par l’assassinat du professeur de lettres Dominique Bernard, le 13 octobre 2023.

Les auteurs ne se contentent pas de livrer quelques résultats d’entretiens ou de questionnaires ; ils resituent l’événement, et donc ces réactions, dans un contexte qui, depuis les attentats de 2015 au moins, oppose ou semble opposer certains phénomènes religieux à l’institution scolaire et, plus largement parfois, aux valeurs de la république.

Dans ce contexte assez difficile, et par certains aspects « hystérisé », il apparaît que les enseignants, particulièrement affectés, ont eu à cœur, « à bas bruit » et dans « l’ordinaire scolaire » d’élaborer des « réponses post-attentats » restées très à distance de certains discours politiques ou médiatiques.

Les deux auteurs l’indiquent très clairement : « L’assassinat de Samuel Paty a produit un choc qui traverse l’ensemble du corps enseignant et en révèle une certaine homogénéité ». Manière d’indiquer ici qu’à l’évidence cet attentat pèse et pèsera sur l’identité professionnelle et la conception du métier des enseignants.


Uwe WITTSTOCK, Février 1933, L’hiver de la littérature, Grasset, 2023

Tradition berlinoise, le Bal de la presse est un rendez-vous mondain qui réunit le dernier samedi de janvier les auteurs, éditeurs, dramaturges, comédiens et journalistes qui « comptent ». Cette année, 1933, le bal a lieu le 28 janvier ; soit deux jours avant la nomination d’Adolf Hitler à la chancellerie.
Uwe Wittstock propose de suivre ce tout Berlin artistique et littéraire durant cinq semaines ; du 28 janvier au 5 mars, date de l’élection au Reichtag qui assurera la domination du Parti nazi (NSDAP), sans toutefois avoir obtenu la majorité des suffrages.
Cinq semaines seulement car tout semble se précipiter. Tout va très vite en ce mois de février 1933. Avant même les élections du 5 mars, le 28 février les droits fondamentaux sont abolis « jusqu’à nouvel ordre » avec la signature d’Hindenburg du « décret du président du Reich pour la protection du peuple et de l’Etat » ; décret rédigé par les nazis seulement quelques heures après l’incendie du Reichstag.
Uwe Wittstock restitue la manière avec laquelle les uns et les autres voient – ou ne voient pas – le péril. Comment les uns et les autres interprètent les reprises en main de certaines institutions culturelles ou les combats quotidiens de plus en plus violents entre les militants du NSDAP et ceux du SPD par exemple.
C’est donc à travers les réflexions, les hésitations, les moments d’abattement ou de faux espoirs, les moments de doutes aussi de Thomas Mann, de Gottfried Benne, de Hans Fallada ou de Bertolt Brecht et de bien d’autres encore que l’auteur nous fait traverser une période de l’histoire ; une période très courte où le temps s’accélère pour le pire.


Narges MOHAMMADI, Torture blanche, par , Albin Michel.

Narges Mohammadi a obtenu le Prix Nobel de la paix en 2023

L’ouvrage est un recueil d’entretiens que la militante iranienne des droits humains a menés auprès de femmes qui toutes ont connu l’emprisonnement. Et toutes ont été emprisonnées pour des raisons politico-religieuses. Toutes ont fait l’expérience de conditions d’incarcération particulièrement douloureuses et qui se nomment « torture blanche ».

Cette « torture blanche » consiste en une privation de « toute stimulation sensorielle sur la durée » précise une historienne australienne, Shannon Woodcock dans sa postface. Ces incarcérations dans des cellules minuscules en béton, éclairées jour et nuit, dans lesquelles presque aucun son ne passe, à la suite d’arrestations et de procédures arbitraires visent à réduire toute volonté d’opposition de la part de ces femmes.
Leurs témoignages décrivent en détail les effets du « quotidien » de ces vies comme suspendues à l’arbitraire : « La nourriture proposée, toujours la même, est fade et servie à la température de la pièce dans un bol en métal, le thé dans un gobelet en plastique. ». Elles n’ont plus de nouvelles de leurs familles et ne savent pas pour combien de temps encore elles sont incarcérées.
Contre la soumission des femmes – dont le « voile obligatoire » est devenu le symbole – et pour le respect des droits humains en Iran, Narges Mohammadi manifeste une impressionnante détermination ; refusant systématiquement toute libération proposée au prix d’un reniement. L’ouvrage est l’occasion pour elle de rappeler le sens de son combat : « Nous, le peuple iranien, aspirons à la démocratie, à la liberté, au respect des droits humain et à l’égalité. La République islamique est l’obstacle principal à la réalisation de cette demande nationale. »