Ateliers Travail et Démocratie (pour une enquête permanente sur la liberté au travail)

Trop longtemps le mouvement ouvrier et citoyen a négligé le travail. Oubliant la critique de la subordination comme celle du taylorisme, nous avons obtenu des acquis sociaux mais laissé l’organisation du travail aux mains du patronat. Aujourd’hui le management néolibéral – appuyé sur le détricotage du droit du travail – détruit ces conquêtes et aggrave encore son emprise sur notre activité.
Les objectifs chiffrés, le reporting permanent, la pression et la peur, finissent par vider notre travail de son sens et par dégrader notre santé. L’explosion des maladies professionnelles mais aussi les scandales sanitaires, les pollutions et le réchauffement du climat, l’extinction des espèces démontrent la folie d’un système où le travail a pour seul but le profit.
Comment pourrons-nous renouveler nos conquêtes sociales et démocratiques, et protéger la vie elle-même, si nous échouons à reconquérir la liberté dans le travail, à prendre le contrôle de son organisation et de ses finalités ? Si nous ne parvenons pas à définir un horizon d’émancipation individuelle et collective, en rupture avec la logique de la concurrence de tous contre tous, à partir du travail lui-même ?
La tâche paraît démesurée mais nous ne partons pas de rien. Comme les sciences du travail l’ont montré, sans le savoir-faire, la sensibilité, l’intelligence, la coopération des femmes et des hommes au travail, aucune production ne serait possible. Des millions de personnes déploient chaque jour leur créativité pour bien faire leur travail, pour garder malgré tout au monde une forme humaine, bien souvent contre les organisations du travail en place. Cette résistance du travail vivant nourrit des expériences syndicales innovantes qui visent à recréer du rapport de forces, ainsi que des réflexions nouvelles sur le rapport entre travail et émancipation.
Il y a là – ainsi que dans diverses expérimentations conduites dans des associations, coopératives, collectifs de travail formels ou informels, etc. – une énergie sociale puissante mais moléculaire et dispersée. Comment l’aider à cristalliser en un mouvement social puissant porteur de pratiques transformatrices et susceptible de regagner les espaces conquis par le capital ? Comment faire du travail vivant, un enjeu du débat politique et un outil de reconquête du pouvoir d’agir ?
Pour y contribuer nous proposons de formaliser, sous la forme d’une association qui pourrait s’appeler « Ateliers Travail et Démocratie (pour une enquête permanente sur la liberté au travail) », une alliance entre chercheur.e.s, technicien.ne.s, expert.e.s et militant.e.s pour mener l’enquête sur le travail réel, comprendre ce qui s’y joue, analyser ses conséquences concrètes sur nous-mêmes, sur la nature, sur la démocratie, et contribuer au développement des pratiques collectives ancrées dans le travail vivant et porteuses d’émancipation.
Ces Ateliers seront autonomes dans leurs activités, mais en rapport avec celles de divers mouvements, organisations et espaces académiques, éditoriaux et militants, notamment syndicaux. Il pourrait permettre dans un premier temps d’échanger plus systématiquement au sujet des recherches et expériences déjà en cours concernant la liberté et la démocratie au travail, de façon à mieux identifier les contradictions existantes et les moyens de les dépasser dans un projet de libération collective du travail et de refondation de ses institutions.
Le mouvement syndical dispose déjà d’une riche tradition d’enquêtes ouvrières, dans laquelle s’inscriront les Ateliers Travail et Démocratie avec les objectifs suivants :
⁃ Connaître, faire connaître et approfondir le débat théorique autour du travail réel, du travail vivant et de la qualité du travail, et plus largement approfondir la réflexion sur la relation entre travail, liberté et nécessité ;
⁃ Récupérer la mémoire historique de la façon dont ces questions ont été traitées par le mouvement ouvrier et analyser les expériences de recherches-actions syndicales (ou autres) en cours, leurs apports et leurs limites
⁃ Connaître et partager les expériences syndicales de terrain, notamment en lien avec la fusion des IRP et la suppression annoncée des CHSCT ; mais aussi analyser les initiatives patronales sur le sujet (« entreprise libérée », « lean philosophique »…) et les réactions syndicales
⁃ Connaître, comprendre et analyser les expériences d’alliances entre syndicats, associations d’usagers et écologiques
⁃ Connaître, comprendre et confronter les expériences et les projets de salariat sans subordination.
Les séminaires pourraient déboucher sur des journées publiques de débat et des publications ; un site web dédié pourrait recueillir des analyses, expériences et témoignages qui alimenteraient le travail des groupes.

Travail et émancipation
• Vendredi 24 août – 9h30-16h30
Le travail humain survivra-t-il à la révolution numérique ? Face à l’essor du travail indépendant, le salariat a-t-il encore un avenir ? Faut-il le regretter, au regard d’une souffrance au travail aujourd’hui généralisée ? A ces questions, beaucoup sont tentés de répondre par la négative. Mais d’autres formes d’organisation du travail ne sont-elles pas en train d’émerger, dans les marges du système ou même en son cœur ? Ne pourrions-nous pas travailler autrement, en nous souciant de la qualité de notre travail, des valeurs d’usage qu’il permet de créer, du soin qu’il nous permet de prendre des autres et de la nature ? En recréant dans le travail des rapports de coopération et d’égalité, sources vives d’un renouveau démocratique plus général ? Sur ce terrain du travail démocratique, quelles stratégies et quelles initiatives innovantes pour le syndicalisme et les mouvements sociaux ?