De l’engagement des fonctionnaires
Malgré de multiples difficultés techniques, malgré de larges incertitudes sur les orientations ministérielles, malgré l’absence de toute préparation et dans un contexte d’inquiétudes majeures, les fonctionnaires de l’Éducation nationale ont mis en œuvre l’accompagnement scolaire à distance de leurs élèves et l’accueil des enfants des personnels soignants. Et les témoignages convergent pour souligner l’engagement qui a été et qui est le leur.
Ce ne sont ni les contraintes, ni les injonctions qui ont permis d’y parvenir mais une culture professionnelle où la responsabilité du fonctionnaire citoyen se fonde sur l’intérêt général et les valeurs républicaines et démocratiques.
Depuis les années 1980, les idées néolibérales ont tenté d’imposer une autre conception de la « gouvernance » des services publics, une conception managériale qui oppose à cette culture professionnelle de l’intérêt général, les impératifs d’une prétendue rationalisation de l’efficacité.
Au nom de la réduction des dépenses publiques et d’une supposée amélioration de la performance, ce nouveau management public prône la déréglementation, substitue le contrat privé au statut, instaure la mise en concurrence des personnels, légitime l’injonction méthodologique et l’autoritarisme, ignore la réalité des conditions de travail et de leur dégradation, fustige la revendication de moyens et multiplie les réductions budgétaires. Pour convaincre de sa pertinence, il choisit les indicateurs et les éléments de discours propices à sa propre justification.
Or ce n’est rien de tout cela qui a permis au service public d’éducation de répondre aux besoins qui ont surgi de la crise épidémique mais c’est, au contraire, la nature particulière de l’engagement des agents de la fonction publique. Non pas qu’il faille l’opposer à d’autres formes d’engagement dont les travailleuses et les travailleurs du secteur privé font preuve chaque jour, mais qu’il faille le défendre dans ses dimensions particulières, notamment celle d’enjeux égalitaires indépendants de motivations de rentabilité et de profits.
Puissent les épreuves de cette crise nous permettre de reprendre conscience des principes avec lesquels notre république démocratique et sociale a progressivement construit sa fonction publique et vouloir que nous les défendions pour qu’ils puissent continuer à être le vecteur de nos valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité.
Editorial de la lettre de l’Institut de recherches de la FSU du 30 mars 2020
Paul Devin, président de l’IR.FSU