RPS : Un enjeu de santé au travail pour les militants eux-mêmes ?

Par Pierre Deransart, membre du chantier « Travail et syndicalisme »

 

 

On dit souvent que les cordonniers sont les plus mal chaussés. Dans cet article nous avons voulu souligner ce paradoxe de militants dont l’action vise à améliorer les conditions de la santé au travail de ceux qu’ils représentent et qui, eux-mêmes, sont confrontés à des facteurs de risques dont en particulier les risques psychosociaux.

 

On présente ici une analyse des 22 entretiens de délégués syndicaux FSU élus de CHSCT.

 

 

Méthode :

On s’est intéressé avant tout aux symptômes de mal-être que l’on peut relever dans les entretiens. Nous avons utilisé pour ce faire les facteurs de risques psychosociaux tels qu’ils ont été définis par Gollac [1]. Pour chaque facteurs nous avons  relevé des éléments de témoignages qui s’y rapportent. Ces témoignages sont mis en parallèle avec ceux concernant les obstacles rencontrés. On se contente ici de relever et classer les éléments de discours laissant au lecteurs les conclusions éventuelles.

 

Résultat :

On observe bien des RPS auxquelles sont sujets les militants interrogés. La mise en regard de ces symptômes et des conditions de l’exercice de leurs fonctions des élus syndicaux ne peut laisser indifférent.

 

Remarque :

Il est toujours possible de minimiser ce résultat en considérant qu’il n’y a pas forcément de relation entre le mal-être des travailleurs syndicaux et les obstacles auxquels elles ou ils sont confrontés. Mais c’est ce qu’il est précisément le plus difficile à reconnaitre quand il s’agit des conditions de travail !

 

Plan :

La méthode utilisée ici a consisté premièrement à sélectionner dans les transcriptions des entretiens les extraits les plus significatifs. Dans un deuxième temps, nous avons relevé les parties (en gras) de ces extraits les plus illustratives. Enfin, tous ces extraits ont été classés dans les rubriques suivantes :

 

  • Constats d’échec
  • Raisons ou prétextes : déni, évitements et barrages hiérarchiques
  • Nature politique des obstacles rencontrés
  • Obstacles en rapports avec les syndicats : dispersion des efforts syndicaux chez ou entre les militants, absence d’occupation syndicale du terrain
  • RPS : Autonomie (« job strain », marges de manœuvre limitées, objectifs quantitatifs difficilement atteignables)
  • RPS : Conflits de valeurs, éthiques (obligation de travailler dans des conditions heurtant la conscience professionnelle)
  • RPS : Surcharge excessive de travail (« burnout »)
  • RPS : Manque de soutien de la part des agents (peur de se compromettre), désaccords entre agents
  • RPS : Stress
  • Résilience
  • Conclusions

 

Chaque section est constituée de la somme des extraits sans ordre particulier. Aucun commentaire n’est fait. On observe d’abord les obstacles constatés, puis les RPS rencontrés par les représentants des personnels FSU siégeant dans les CHSCT. Ceux-ci montrent aussi une capacité de résilience qui doit être notée.

 

Certains fragments pourraient être placés dans plus d’une rubrique, mais le choix a été fait de ne les citer qu’une fois.

 

 

Constats d’échec, sentiment d’impuissance :

 

 « Il n’y a pas eu de baisse des accidents du travail. Quand tu pars d’une équipe qui était 9 et que au bout de 6 ans il n’y a plus que 5 personnes et bien automatiquement ça fait plus de charge de travail mental ou physique ». (Pauline)

 

« On est tout le temps sur la question des moyens ». (Martin)

 

« Quand on parle réforme, la rectrice nous dit « ce n’est pas du niveau académique mais du niveau ministériel, ça ne nous concerne pas ». (Milena)

 

« Quand il y a une volonté de rien faire ils ne font rien de toute façon ». (Pasqual)

 

« Des fois on répète toujours la même chose on revendique toujours la même chose et le secrétaire général nous dit mais vous l’avez déjà dit ! Ah oui mais ça ne change pas gens sont toujours en souffrance au travail ». (Pénélope)

 

« Les gros projets de conception. On nous laisse à la marge et c’est insupportable. Il y a un problème de construction sociale des projets et ça on n’est pas arrivés à le faire bouger ». (Domitille) 

 

« On a eu à traiter l’intégration des élèves handicapés et ça a détérioré aussi les conditions de travail parce que mes moyens humains derrière n’ont pas été mis en place ». (Séverine)

 

« Les élèves perturbateurs quand je suis rentrée au CHSCT il y en avait. Là je trouve qu’il y en a beaucoup plus ». (Sylvain)

 

« On ferme l’imprimerie parce qu’il y a ça qui ne va pas au niveau de l’aération ça qui ne va pas au niveau tes trucs. Oui ça va demander trop de sous il préfère fermer et sous-traiter. Quand tu demandes trop de choses ils ferment ». (Pauline)

 

« C’est à dire qu’on a des réformes qui s’accumulent les unes sur les autres, et donc les gens n’arrivent plus aujourd’hui à pouvoir assimiler une réforme qu’il y en a une autre qui apparaît, qui la contredit parfois. Et donc les priorités ne sont plus les mêmes, et on ne sait plus vraiment comment on va intervenir ou réagir. On a des directions qui de plus en plus utilisent des slogans marketing, qui noient le poisson… » (Pierre)

 

« Et du coup que je me dis qu’ils se font une image, ils attendent tellement de choses qu’ils ne se rendent pas compte que l’on n’est rien ; au mieux on va être écoutés mais on n’est qu’un organe de consultation ». (Noëlle)

 

« Ce que l’on n’obtient pas facilement en CHSCT c’est que l’établissement modifie l’organisation du travail. Ils ont réduit les effectifs des liquidateurs de dossiers. Il y a un sous-effectif ils sont en train de revenir en arrière. Les problèmes d’agression continuent à cause de ça ». (Paul)

 

Raisons ou prétextes :  déni, évitements et barrages hiérarchiques

 

« Oui, avec les élus parce qu’ils ne veulent jamais reconnaître [des problèmes] ». (Pauline)

 

« C’était accroché sur les panneaux syndicaux et les agents pouvaient les consulter et maintenant ils ont décrété que ce n’était plus possible ». ( Pauline)

 

« Donc c’est un accident du travail et eux ils ont refusé dès le départ de reconnaître l’accident du travail ». (Pauline)

 

« Je ne sais pas si c’est la stratégie du choc, la stratégie du chaos, qui impose un rythme de réformes et de concertation qui nous empêche de réfléchir et d’aller davantage sur le terrain ». (Henri) 

 

« Sur les réformes sur ce qui concerne l’organisation du travail ? Alors là on n’a jamais le droit de cité. On n’est jamais écoutés. Là on est dénié dans notre fonction, dans notre rôle ». (Henri)

 

« Par contre avec l’autre partie de la hiérarchie qui est plus la hiérarchie je dirais managériale, nos chefs, la DASEN ou le recteur et certains de ses représentants c’est beaucoup plus compliqué parce qu’eux c’est vraiment les représentants du patron ». (Martin)

 

« L’administration ne les connaît même pas ça veut dire qu’ils n’en ont rien à faire rien à cirer de ses droits nouveaux ». (Martin)

 

« Ce que j’observe en ce moment c’est plutôt que les personnes qui sont en niveau de responsabilité plutôt que de faire de la prévention essaient de dégager leur responsabilité vraiment ». (Charlie)

 

« Les administrations en face de nous elles veulent plutôt mettre sous le tapis et dégager les responsabilités ». (Charlie)

 

« Nous avons travaillé sur les locaux, conduit une enquête par questionnaires sur les conditions de travail. Mais elle n’a jamais été publiée car l’inspectrice a mis des bâtons dans les roues ». (Pasqual)

 

« L’administration ne veut pas le (CHSCT) faire fonctionner. C’est aussi bête que ça. Elle fait le strict minimum ». (Pasqual)

 

« On peut tout aborder mais on n’est pas entendu. On n’est pas entendu par exemple sur les problématiques de difficultés relationnelles avec un chef hiérarchique notamment dans le 2nd degré ». (Mélinée)

 

« J’ai compris pourquoi on galérait syndicalement et que en fait chaque niveau hiérarchique [de l’entreprise] bloque et n’informe pas des problèmes rencontrés ». Paul

 

« On a compris que de toute façon c’étaient toutes des décisions descendantes et que tout ce qu’on pouvait négocier c’était à la marge. On s’est épuisés pendant cette période-là ». Mélinée

 

« Ils contournent les avis qu’on pourrait émettre souvent en préconisant que ce n’est pas de leur responsabilité ou que la procédure a déjà été mise en place. Ce qui est faux. Séverine

On a des directions qui bloquent carrément et ce sont les directions où il y a le plus d’incidents ». Clément

 

« On voit en plus que les circonscriptions du premier degré n’ont même pas pu mettre un 2e adulte ça pouvait décrisper petit peu les situations. Là on n’a plus ce levier ». Sylvain

 

« La difficulté ce sont les freins que peuvent mettre les administrations notamment intermédiaires aux avancées. Les recteurs les DASEN. C’est la force de l’inertie un peu c’est un grand paquebot comme l’éducation nationale et ça je me souviens ça décourageait. Élina

 

« Le problème, c’est que la charge de travail n’a pas du tout baissée et il y a un vrai problème de gestion avec le ministère, il y a des tas de choses qui se nouent… Il y a des atteintes, à commencer par le secrétaire du CHSCT central à cette période qui a été obligé de s’arrêter et la suivante a été aussi obligée de s’arrêter. Notre présidence les use ; il y a des moments très difficiles en CHSCT central : ils les usent. Ils font face à des situations très difficiles avec de vraies obstructions ». Christine

 

« Comme on était consultatif, ça ne changeait pas grand-chose. Si on votait par exemple contre un projet, l’Établissement prenait en compte notre avis, mais il pouvait passer en force comme il le souhaitait (il n’avait aucune obligation de suivre les préconisations du CNHSCT). D’ailleurs c’est ce qui a toujours fait défaut même dans les CHSCT du privé, même s’ils ont eu plus de moyens, c’était toujours aussi le même problème. Même avec des expertises, même avec des recours juridiques, rarement les employeurs étaient condamnés, par exemple sur le fait que les conditions de travail soient mal organisées où qu’elles aient généré de la souffrance ». Pierre

 

« Quand j’évoque ces outils d’analyse du travail réel, on me répond que ce n’est pas faisable dans le temps, indépendamment des visites ou des enquêtes. La DRH me répond ça aussi quand il s’agit d’évaluer la charge, que c’est trop long à mettre en place en fait ». Noëlle

 

 

Nature politique des obstacles rencontrés

 

« Ça ce n’est pas gagné. Tant qu’il n’y aura pas d’impulsion politique on ne pourra pas faire grand-chose au niveau macro. Quand on arrive à faire bouger les choses c’est qu’il y a à la fois des personnels en action en mobilisation soit par la presse, soit par des affiches en tout cas qu’il y ait une mobilisation locale ». Henri

 

« Ils se sont aperçus assez rapidement qu’on n’a pas la même vision de l’homme au travail, enfin de l’humain au travail, on n’a pas la même idéologie. On ne défend pas la même chose et que finalement c’est aussi conflictuel sauf que ça peut être plus violent parce que ça renvoie à la santé, à des situations très dégradées, mais c’est aussi un vrai combat.  Un combat politique ». Henri

 

« Politiquement je pense qu’il y a des gens qui pensent qu’aller sur le travail lui-même c’est une forme de réformisme c’est se dire qu’on va faire en sorte que les collègues supportent leur activité et que ça c’est contre-révolutionnaire parce que en fait il vaudrait mieux qu’ils se révoltent. Puis il y a une autre posture selon les interlocuteurs les sujets plus conflictuels comme si tu étais face à un ennemi de classe. Il y a des désaccords évidents ». Martin

 

« C’est qu’il manque l’histoire du travail réel à la fois des syndiqués voire des professionnels par rapport au syndicat. C’est l’essence même du syndicalisme qui est en cause dans cette affaire ». Martin

« On n’arrête jamais et je pense que tout ça est lié a la politique de macron. Je suis désolée là c’est vraiment de la politique. Il nous donne vraiment du fil à retordre ce gouvernement ». Pénélope

 

« Il se trouve que sur le secteur où moi je travaille il n’y a plus du tout de médecins scolaires il n’y a plus de médecin de prévention ». Séverine

 

« C’est très volontaire de la part de ce gouvernement de ne pas laisser la place a une vision très globale de ce qui se passe autour de l’organisation du travail et des conditions de travail parce que ça serait tellement dramatique pour eux. Ils seraient désavoués par tout le monde ». Séverine 

 

« C’est vraiment le lieu où on a du pouvoir, le pouvoir de faire avancer les choses et en tout cas si l’employeur ne veut pas y aller, le pouvoir de mettre l’employeur face à ses responsabilités, qu’on n’a pas dans d’autres instances. Les employeurs ont compris le danger et ils font tout pour que ce danger soit écarté, ce pouvoir soit repris ». Constance

 

« On risquait de démobiliser les personnels en faisant croire qu’avec le CHSCT on allait gagner des choses alors que c’était la lutte syndicale qui seule l’aurait permis ». Élina

 

 

Obstacles en rapports avec les syndicats : dispersion des efforts syndicaux chez ou entre les militants, absence d’occupation syndicale du terrain

 

« Je trouve malheureusement que nos syndicats n’ont pas bien vu tout ce qu’on peut faire tout ce qu’on peut faire en CHSCT et en quoi ce travail en CHSCT peut réellement changer notre vie au travai »l. Constance

 

« Ce n’était pas un conflit majeur mais c’est arrivé que quand je représentais une certaine catégorie de personnel ça rentre en conflit avec les représentations de la FSU parce que moi je devais à ce moment-là assumer mon rôle de secrétaire au départ des mandats de la FSU je ne me sentais pas obligé de respecter les mandats de la FSU si je considérais qu’une situation particulière dans un établissement m’obligeait par exemple à négocier certaines choses avec d’autres organisations syndicales ou avec la hiérarchie . Je me donnais cette liberté. Martin

Les sujets propres au CHSCT aient du mal à arriver dans les discussions syndicales. Charlie

Avec l’UNSA c’était un peu tendu parce qu’on n’avait pas la même approche de la façon de construire le dialogue social de construire le rapport de force ».

« Du coup, mes positionnements au sein du CHSCT ne se construisent pas suffisamment en lien avec le syndicat le CHSCT fonctionne trop en autonomie par rapport au syndicat. Milena

L’UNSA dans sa volonté de défendre sans arrêt les chefs d’établissement ne met pas plat l’ensemble des problématiques ».

 

La vision syndicale finalement de ces personnes-là (divers syndicats FSU) c’est une vision intellectuelle, ce n’est pas une vision humaine, et donc par exemple ils ne savent pas faire face à la souffrance des personnes qu’ils ont en face. Or dans le boulot du CHSCT on n’arrête pas d’être confronté à la souffrance des personnes ». Constance

 

« Les gens de Sud ont été un poids mort pour nous ; c’était désespérant : ils ne faisaient pas ou alors ils allaient aux réunions, ils écoutaient, mais ils ne disaient rien… » Christine

 

« Depuis que l’on est CSSCT on a beaucoup moins de prérogatives que quand on était CHSCT, on ne fait plus de PV, donc ce n’est plus communiqué directement à l’inspection du travail, à la médecine du travail, etc. On fait un rapport, enfin un compte-rendu qu’on remet aux élus du CSE, et c’est eux qui voient s’ils en parlent ou pas en CSE ». Sandrine

 

 

 

 

RPS : Autonomie (job strain, marges de manœuvre limitées, objectifs quantitatifs difficilement atteignables)

 

« Comme ce n’est pas à nous, ni à moi en tant que secrétaire de CHSCT, de gérer les dysfonctionnements de l’administration, ça donne à la fin un sentiment d’impuissance. Cette espèce d’usure que je ressens, elle vient de là. Il y a même des moments où j’ai le sentiment que l’on a reculé ». Milena

 

« Mais dans notre académie, dès le départ, c’était hors de question que des représentants du personnel débarquent comme ça dans les établissements. Donc il y a une partie de l’activité du CHSCT autour de laquelle on n’a pas d’autonomie ». Milena

 

« Et surtout on n’a pas trouvé de solution. C’est plutôt ça qui est frustrant. Ce n’est pas le CHSCT qui va trouver les solutions mais on voit bien que l’institution est démunie nous on ne voit pas très bien ce qu’on peut proposer ». Sylvain

 

« On est utile ce n’est pas ça le souci mais j’aimerais qu’on soit plus efficace j’ai l’impression que souvent je reste sur ma faim ». Sylvain

 

« Les situations où on est mal à l’aise :  c’est quand on entre en conflit avec la direction que R. se met à partir en vrille à gueuler, à dépasser les bornes etc. c’est une situation qui va nous rendre malades. Le malaise c’est le début la maladie. Oui ça veut dire qu’on est en souffrance ça c’est clair ». Constance

 

« On est en manque de temps et en manque de reconnaissance de ce travail qu’on effectue en tant que membre du CHSCT ». Constance

 

« [Passage aux CHSCT] Une fois que l’on a bien sécurisé les choses, on nous a fait rentrer dans un cadre, et une fois que l’on a été dans ce cadre-là, et qu’on s’était pris nos marges de manœuvre, organisé pour que ça marche bien pour tout le monde, eh bien d’un seul coup ils ont décidé que chaque directeur d’agence déciderait comment on organiserait les bureaux etc…On n’avait plus aucun regard là-dessus » ». Sandrine

 

Les obstacles pour faire un travail de qualité, c’est qu’on n’est pas assez nombreux, donc il faudrait qu’on ait un appui d’autres élus, par exemple les RP, certains élus CSE, parce que à 1 personne par syndicat on ne peut pas faire toute une région… » Sandrine

 

« C’est ça qui me pose problème, d’être obligée d’être tout le temps sur le qui-vive, on est obligé de rester en éveil technique sur les 2 fonctions, et ça se cumule.

C’est une surcharge de travail et pas seulement physique, même émotionnelle aussi parce que toutes les saisines que je reçois, que je dois transmettre, des fois ce n’est pas facile…

Des fois, je suis un peu frustrée parce que je ne suis pas superwoman non plus. Ce n’est pas facile tous les jours de recevoir deux trois saisines, de ne pas être réellement capable de proposer des choses. Bien sûr, on accompagne, on est dans la prévention, mais des fois c’est frustrant ». Véronique

 

 

RPS : Conflits de valeurs, éthiques (obligation de travailler dans des conditions heurtant la conscience professionnelle)

 

« Comment on continue son travail en tant que représentants du personnel du CHSCT dans un contexte qui se caractérise par une limitation des libertés ? Milena

J’ai besoin de me recentrer sur mon métier

 

« On peut nous opposer que c’est nous en fait les représentants du personnel qui sommes les sujets. C’est nous qui créons tous les risques

 

« La loi de la programmation de la recherche elle ne programme aucun emploi, c’est à dire qu’elle laisse tous les collègues qui sont des contractuels des vacataires, des précaires, sans avenir en fait. Il n’y a pas du tout de création de postes. Au contraire on va créer plus de postes contractuels et cetera.  Et en parallèle La ministre nous demandait de signer un protocole d’amélioration des carrières des « déjà là », donc en nous augmentant les primes surtout.  Ah non ! moi ça m’a retourné le ventre. On était vraiment contre ce truc-là ». Charlie

 

« En tant que représentante du personnel vis à vis de mon inspecteur je ne voulais pas taper sur le dos de ma collègue qui pour moi était dysfonctionnante. Pour moi il y avait un souc »i. Mélinée

 

« Cela m’a beaucoup impacté à l’époque. J’avais du mal à ne pas penser à la souffrance de cette collègue. Pourtant je n’étais responsable de rien ».

 

« Il y a aussi un mal-être du fait qu’on n’est pas apte à accepter l’adversité. On a une part de frustration à ce niveau là parce que on n’accepte pas cette politique qui ne nous convient pas et parce que quelque part on aurait envie d’arrêter toute cette souffrance ». Constance

 

 

RPS : Surcharge excessive de travail (burnout)

 

« Santé. Il y a quand même des gros coups de fatigue. C’est complètement délirant. Ce qui fait tenir, c’est le collectif. C’est surtout aussi que on devient mono activité. Il n’y a plus rien autour ». Henri,   

 

« Effet sur votre santé ? Je suis fatiguée et beaucoup plus fatigable ». Mélinée

 

« 6h c’est insuffisant. Or faire bien le travail de secrétaire de CHSCT nécessiterait un temps plein ». Milena

 

« De toute façon les visites c’est tellement un combat ! Aussi déjà, il faut de l’énergie.  En fait voilà, c’est ça peut-être, il faut du temps pour prendre l’énergie pour ». Charlie

 

« Oui c’est vrai ça a un impact sur ma santé mais je pense que ce n’est pas seulement lié au CHSCT c’est l’activité syndicale qui fait aussi ça. On a tellement de trucs à faire on a tellement de trucs dans la tête c’est la charge mentale ». Pénélope

 

« Tout le monde a compris que je tirais la sonnette d’alarme. Ça devient difficile à gérer. Là aussi que je vieillis que j’ai moins de facilité de récupération d’encaissement de cette charge ». Sylvain

 

« On est en manque de temps et en manque de reconnaissance de ce travail qu’on effectue en tant que membre du CHSCT ». Constance

 

« [Charge de travail, effet sur ta santé ?] On va dire que oui parce que j’ai eu un arrêt maladie de presque…, j’ai été arrêtée pendant 8 mois, et après j’ai repris en mi-temps thérapeutique suite à un burn-out. Et donc j’ai encore des séquelles, ça a beaucoup affecté ma capacité de travail, et mes capacités cognitives on va dire ». Sandrine

 

« Moi je trouve qu’au fil du temps, mon travail s’est détérioré et je suis beaucoup moins bien mes étudiants de master qu’avant. J’en ai 8, donc comment tu veux que j’arrive à suivre comme il faut 8 étudiants ? C’est trop pour s’impliquer dans la compréhension de leur terrain, pour essayer de conseiller de la biblio ! Je ne sais pas faire ! Et puis avec la pandémie, ça déborde beaucoup beaucoup, sur les vacances par exemple. Cette semaine je suis censée être en vacances et je ne peux pas prendre mes vacances ». Christine

 

 

RPS : manque de réactivité de la part des agents (peur de se compromettre, désaccords entre agents)

 

Comment aller interroger leur travail lorsqu’ils sont en plein conflit de valeurs. Si on va les voir ils ont peur qu’on les mette de notre côté. Tous les agents ou bien vont partir ou bien sont en arrêt de travail. Charlie

 

Les personnels eux-mêmes font frein à toute évolution, qui ne cherchent pas à améliorer la qualité de leur travail et même de leur situation au travail. Ils préfèrent rester dans l’ornière de la difficulté. Faire comprendre ça aux collègues qu’il fallait faire une analyse du problème et puis faire remonter le truc assez précisément ce n’est pas simple. Paul

 

« Il faut déjà qu’ils (le personnel) s’intéressent et une fois qu’ils s’y intéressent est-ce qu’ils sont informés. C’est tout un circuit compliqué. Il n’y a pas de réactivité ». Paul

 

« Je m’épuise à attirer les collègues qui ne veulent pas travailler et pour moi c’est insupportable.  Je m’y suis épuisée et malgré la reconnaissance de la présidence… Il vaut mieux que je m’en aille plutôt que je m’énerve ». Domitille

 

 

RPS : Stress

 

« Ça peut être stressant les rencontres comme ça surtout quand tu es en désaccord. Pauline

Comment tu gères ça sur le plan personnel ?   Ça dépend je ne sais pas. Pauline

Au point où j’en suis aujourd’hui il y a qqch de déprimant ; je n’ai pas l’impression d’être dans le bien-être » ». Milena

 

« Je suis prise par cette fonction, cette responsabilité ; et s’en dégager, c’est difficile parce qu’elle m’intéresse aussi. Mais il y a des moments où je trouve que c’est trop dur ». Milena

 

« J’en ai marre de la souffrance au travail. Il y a des aspects de cette activité-là qui me lasse et qui ne me conviennent plus. En fait je suis assez ambivalente, et je ressens de la frustration ». Milena,  

 

« J’ai besoin d’être en classe un jour par semaine. C’est ma respiration et fonctionner à moins de 75 pour cent je crois que j’exploserai en vol ». Mélinée

 

« Nous on demande à l’institution d’arrêter de mettre la pression mais on a du mal nous même à se limiter à ne pas être nous-mêmes en souffrance au travail ». Pénélope

 

« La souffrance ça vient toujours de nous-mêmes. C’est nous même qui la créons ce n’est pas à l’extérieur. C’est la façon dont on reçoit les événements qui font qu’on est en souffrance. On peut toujours changer on ne peut pas changer le monde extérieur en tout cas pas de manière immédiate. Si on ne veut plus être en souffrance l’un des moyens c’est quand même que pour se protéger soi-même qu’on soit capable de prendre du recul et d’analyser pourquoi ça nous fait souffrir. En échangeant toutes ces expériences en prépa CHSCT bon ça veut dire que on a mis en place des mécanismes pour pouvoir se soulager, pour pouvoirs débriefer pour pouvoir évacuer un peu de notre souffrance ». Constance

 

« Alors ça m’est arrivé sur de situations graves de somatiser par exemple, ça peut arriver, que tu n’as pas vu arriver un truc et que ça te prend la tête et que ça t’empêche de dormir, des choses comme ça, ça a des conséquences sur le sommeil ». Pierre

 

Résilience

 

« C’est vraiment le lieu (CHSCT) où on a du pouvoir, le pouvoir de faire avancer les choses et en tout cas si l’employeur ne veut pas y aller, le pouvoir de mettre l’employeur face à ses responsabilités, qu’on n’a pas dans d’autres instances ». Constance

 

« Il y a de l’émulation intellectuelle. Il y a de l’adrénaline c’est enrichissant ». Pasqual

 

« Moi ça m’enrichit vachement déjà cela m’a facilité la prise de parole et puis maintenant je peux avoir le maire en face de moi il y aurait Macron je n’en ai rien à faire c’est pareil je ne vais pas être angoissée et puis si j’ai inventé un mot un mot et bah je m’en fous s’ils ne me comprennent pas ils me redemandent. Et quand ils se mettent en colère il se met à crier ce n’est pas grave je crie aussi ». Pauline

 

« Plusieurs fois j’ai failli rendre ma carte en disant cela commence à bien faire leurs conneries ça ne sert à rien on passe du temps là-dessus on n’avance pas et cetera. Heureusement il y a eu des amitiés syndicales qui se sont créées et des soutiens. Moi ce que j’ai apprécié c’est que ça ne m’a jamais empêché d’avancer avec ces gens-là, y compris dans le conflit. Martin

Je pense que je vais rester CHSCT ; je trouve que c’est vachement intéressant ça me fait même penser. Ce sont des champs intéressants même en termes de perspectives professionnelles ». Pasqual

 

« On a perdu mais les collègues ont quand même compris il y avait une organisation syndicale qui était derrière pour les accompagner ». Pasqual

 

« Il y a de l’émulation intellectuelle. Il y a de l’adrénaline c’est enrichissant ». Pasqual

 

« Je souhaite poursuivre parce que je trouve que c’est un enrichissement pour moi mais c’est un enrichissement pour tous les gens de notre délégation actuellement. Ça me permet de réfléchir, d’avoir des axes de réflexion. C’est en ça que c’est salvateur on va dire ». Séverine

 

« Une collègue m’a dit aussi c’est la première instance où je ressens que je suis utile ». Sylvain

 

« Cette instance m’a ouvert l’esprit les yeux sur plein de réalité. Se dire qu’on a quand même un rôle qui est plus gratifiant que d’être simple PE dans sa classe. Je le vois comme une source d’épanouissement personnel ». Sylvain

 

« Mon mandat CHSCT c’était vraiment la plus belle partie de mes activités syndicales ». Constance

 

« Personnellement moi je me suis vraiment éclatée avec ça. Autant il y a des années de syndicalisme c’est un peu des tunnels. Il y a 2 choses : les emplois jeunes et les CHSCT. C’est vraiment 2 périodes où j’ai trouvé que je faisais quelque chose qui agissait sur les gens. Moi je suis souvent positive ». Élina

 

« Moi je pense que ça a eu plutôt des effets positifs… Être engagée et donner du sens à ce que je fais et être porteuse d’un certain nombre de valeurs, pour le coup ça me correspondait assez bien même si j’étais en colère parfois »Christine

 

« J’ai eu la chance unique d’avoir un engagement syndical qui m’a permis de faire des choses extraordinaires ». Pierre

 

« Depuis que je suis au syndicat, au CT, que je suis représentante du personnel, oui, ça m’a aidée à être plus sûre de moi et à dire les choses qu’il faut dire ». Véronique

 

« Moi c’est ma bulle d’oxygène parce que ça me permet d’avoir ce contact terrain, d’avoir cette notion d’utilité. Tu parlais tout à l’heure de qualité, moi je parlerais plutôt d’utilité ». Noëlle

 

Conclusion 1   Même les militants…

 

Même les militants peuvent développer des RPS : « job strain » (obstacles), conflits de valeurs, « burnout » (excès de travail), manque de soutien, stress, sont quelques symptômes que la plupart des répondants avouent avoir rencontrés.

Si l’on regarde qui se retrouve ici dans les catégories « RPS », tous les militants consultés s’expriment sur ce sujet, sauf trois : Clément, Joseph et Natalie ; toutefois leurs témoignages complets comportent peu de remarques concernant leurs propres conditions de travail.

Rien à ajouter ici, sinon que la très grande majorité des militants interrogés, bien qu’ils soient des militants pour la plupart très expérimentés, reconnaissent leurs propres difficultés et les obstacles mis en travers de leurs actions au sein des CHSCT, et les conséquences que cela a aussi sur leur propre santé au Travail.

Pratiquement tous (17) reconnaissent des limites à leur action et celle des CHSCT (constats d’échec et blocages).  Les militants ont souvent l’impression de se « heurter à un mur » notamment celui du manque de moyens ou de se « faire balader ». Une minorité (6) fait un lien avec des limites potentielles de leur activité liées aux obstacles de nature politique (donc hors du champ de leur action) auxquels celle-ci se heurte, et une moitié (11) souligne les faiblesses syndicales qui limitent aussi l’efficacité de leur action.

 

Conclusion 2

 

La plupart des personnes interrogées ici s’investissent pleinement dans leur action au sein des CHSCT. Compte-tenu du contexte évoqué en introduction, ils se heurtent nécessairement dans leurs actions à un mur (on pourrait employer un terme à la mode de « plafond de verre ») qui, d’une certaine manière, constitue une limite qui ne peut être franchi dans le cadre des institutions où ils agissent. Il apparait alors que les militantes et militants qui s’investissent cœurs et âmes dans leur fonction – et c’est particulièrement vrai pour celles et ceux qui exercent comme secrétaire de CHSCT – se retrouvent en première ligne d’une lutte qui nécessairement revêt une dimension politique qui dépasse le cadre de leur action.

Cette dimension politique peut expliquer les attitudes diverses de représentants syndicaux et des dissentions qui apparaissent alors entre syndicats (exemple le poids des « déclarations préalables » souvent mentionné dans les entretiens).

Ceci peut entrainer un relatif isolement qui est exprimé dans les entretiens, en particulier, sous la forme du ressenti d’un manque de prise en considération des questions relatives aux actions dans les CHSCT par les états-majors syndicaux.

 

Une idée forte qui ressort de ces entretiens est que les CHSCT -avec le CT- ont permis une présence syndicale active sur le terrain même de l’activité des agents concernés. Il serait intéressant d’analyser en quoi et pourquoi les syndicats dont c’est normalement le rôle semblent ne pas y parvenir actuellement ou en tous cas pas suffisamment. Il en ressort également que tous les syndicats ne profitent pas de la même manière de cette opportunité (du point de vue des participants à l’enquête et qui sont tous à la FSU) ; certains même pas du tout. Cela semble dépendre de la conscience qu’ils peuvent avoir de l’intérêt et l’importance de ce terrain d’action pour mener leur luttes ; ces luttes qui, dans le contexte actuel, revêtent un caractère politique de plus en plus prononcé.

 

Les questions abordée ici, concernant l’épuisement éventuel des militants engagés dans les CHSCT, trouvent bien quelques éléments de réponse dans les témoignages présentés ici. Mais la plupart des témoignants sont des militants très aguerris (la plupart sont secrétaires de leur CHSCT) dotés d’une forte capacité de résilience.

Apparemment, les témoignants supportent assez bien des surcharges importantes de travail (résistent au burnout) ; ils ont le sentiment d’une autonomie possible (évitent le jobstrain) quitte à choisir un domaine principal d’expression et d’action ; ils reconnaissent les conflits de valeurs non seulement chez les personnes qu’ils doivent protéger, mais aussi avec les pouvoirs auxquels ils se heurtent. Si la perception de ces conflits leur devient insupportable, ils ont toujours la possibilité de quitter leur fonction.

Mais ces éléments plutôt positifs ne sont peut-être que le reflet d’un biais dans le choix des interlocuteurs pour les entretiens.

 

 

ANNEXES

  • Profils des personnes ayant été interrogées :
  • Sur les Risques Psychosociaux (RPS)
  • Guide des entretiens : les questions qui amènent à parler de sa propre santé

 

Profils des personnes ayant été interrogées (pseudonymes)

Nom, âge, profession, date entretien (Syndicat, CHSCT et fonctions)

 

Charlie, 59, janv 21 (RESF, B.N. SNCS, CHSCT S4, chercheuse INRIA, entretien orienté difficultés ?)

Christine, +46, Prof.U., ergonome, oct 21 (SNESUP, Secr. CHSCT)

Clément, 48, Protection Enfance, mai 21 (ex CFDT, co-secr. dép. SNUTER, sec. CHSCT Cons. Départemental, décharge 100%)

Constance, 55? IR (cat A) info, juin 21 (SNASUB? CHSCT S1 S2(UEFR) , fusion Paris-Saclay)

Domitille, 59, ESR MC ergonomie, juin 21 (IRFSU 2 chantiers, SNESup, CHSCT U Lyon2, dysphorique, clashs compétence perso et autres membres ?)

Elina, +65, commissaire paritaire à ? ISE, juin 21 (SNES sec. Nat., FSU BDFN, secr. CHSCT S1,S2,S3,Nat.)

Henri, 53, fév 21, prof (SNES, Secr. Nat. SNES, CHSCT ministériel S4, grand investissement personnel, très conscient de son (in)efficacité et de ses limites)

Joseph, 69, oct. 21 (SNUITAM, ex Secr. Nat., secr. ? CHSCT S1, formateur, vision ergonomique des CT, alcool et harcèlement dominent)

Martin, 63, retraité, juin 21(JOC, SNUIpp, secr. CHSCT S3, instituteur, entretien assez directif -orienté travail et syndicalisme)

Mélinée, 53, Prof. Prim. rempl. ZIL, mai 21 (SNUIpp, secr. CHSCT S2,S3, passionnée et très investie, quasi temps plein)

Milena, 57, fév 21 (SNES, INSPE, secr. CHSCT S1,S2,S3, professeure philosophie, pb dominant du temps (in)disponible, tendance à culpabiliser, à prendre sur soi les difficultés rencontrées)

Natalie, 56, PE, août 21 (Association musique, SNUIpp, sec. CHSCT S2,S3)

Noëlle, 50, oct 21, Ens. Ch. Ergonomie (SNESup, secr CHSCT)

Pasqual, 33, PE rempl., juin 21 (RUSF, UNEF, SNUIpp, , Ensemble, secr. CHSCT S1,S2,S3 militance forte, plutôt stimulé par son action)

Paul, 71 retraité, conseiller, mai 21 (Secr. FSU Bourgogne, SNUTEFI Pôle emploi, CHSCT, visibilité des pb, « RPS » peu caractérisés, assez fataliste)

Pauline, 56, fév 21 (SNUTER, secrétaire de section, élue CHSCT S1, très offensive, aguerrie, proche retraite -5 ans))

Pénélope, 41, PE REP+, juin 21 (bu SNUIpp, secr. CHSCT, conscience des limites politiques de son action) Pierre, 62, Retraité Conseiller Pôle Emploi, juin 21 (SNUTEFI PE, CHSCT)

Sandrine, 57, Conseillère Pôle Emploi, juin 21 (Ex Secr. SNUTEFI PE, Ex Secr. CHSCT Régional à CSSCT oct 2019)

Séverine, 59, Ass. Sociale, mai 21 (Emmaüs, Amnesty, Luttes contre violences conjugales, CIAS, bu SNUASfp S2,3,4, CHSCT S2,3)

Sylvain, 58 ? PE, juin 21 ( resp.? SNUIpp, sec. CHSCT S2 S3 )

Véronique, 48, Bibliothécaire Université, oct. 21 (élue SNASUB au CT, Secr. CHSCT)

 

 

 

Sur les Risques Psychosociaux (RPS)

 

Dans ce rendu, on se concentre essentiellement sur cinq formes de risques : perte ou manque d’autonomie, conflit de valeurs, l’excès de travail, relations de travail ou simplement stress, ce dernier type pouvant contenir toutes les manifestations de tels risques qui rentrent mal dans une case prédéfinie. Cela est dû à la manière dont les personnes interrogées expriment leurs difficultés personnelles. Le canevas de questions utilisé pour mener ces entrevues n’était pas particulièrement adapté pour une mise en évidence de tels « aveux » (voir ci-dessous). Le résultat est juste le reflet de la manière dont ces risques ont été exprimés par les 21 participants. Ce qui ressort ainsi, ce qui est exprimé le plus clairement, porte d’abord sur les problèmes d’autonomie, de valeur et d’exigences au travail (ici travail de l’élu). Des questions fortes concernant les relations entre collègues syndiqués (du même syndicat ou non) peuvent également engendrer des difficultés. D’autres RPS apparaissent bien sûr, mais, étant moins précis (ou simplement ne rentrant pas dans une classification a priori) je les ai regroupés dans une catégorie dite « stress ». C’est d’ailleurs de cette manière que les RPS ont été caractérisés dans les premiers temps.

 

La liste complète des RPS identifiés dans le rapport de 2011 (note ci-dessous) est la suivante :

(sont soulignés les mots du discours de la personne interrogée qui peuvent alerter sur la présence de RPS pour celle-ci)

 

-**Autonomie et marge de manœuvre : job strain, autonomie, soutien, solidarité, marges de manœuvre, objectif impossible

-**Conflits de valeur : conflits, valeur, conditions, conscience professionnelle, écart entre les règles métier et les méthodes imposées, éthique, déontologie.

-**Exigences du travail : burnout, travail, temps, complexe, surmenage, excès de travail, surbooké, vie professionnelle, famille, vie familiale, vie privée

-*Rapports sociaux et relations de travail : relations, travail, coopération et soutien, collègues, hiérarchie, violence, isolement, mépris, harcèlement, concurrence, reconnaissance, cohérence, management, objectifs

Insécurité socio-économique : insécurité, évolution travail, changements rapides de postes, besoin de formation.

Exigences émotionnelles : contrôle, émotions, servilité, contact avec usager et risque de violence verbale ou physique de l’usager insatisfait. Inclut la peur au travail.

 

On a souligné ici les termes qui reviennent souvent dans les entrevues et qui alertent sur l’existence d’une forme de RPS concernant la personne interrogée.  Ces termes peuvent s’appliquer bien évidemment aussi aux problèmes auxquels la personne a à faire face dans l’exercice de son mandat (RPS identifié lors de réunions du CHSCT ou de visites…).

 

Note : Rapport du collège d’expertise sur le suivi des RPS au travail « Mesurer les facteurs psychosociaux de risque au travail pour les maîtriser » (2011).

Ce rapport du « Collège d’expertise sur le suivi des risques psychosociaux au travail », a été établi suite à la demande du Ministre du travail, de l’emploi et de la santé et coordonné par Michel Gollac et Marceline Bodier  https://college-risquespsychosociaux-travail.fr/rapport-final/ . Ce rapport a un titre ambitieux ; il insiste beaucoup sur l’élaboration d’indicateurs quantitatifs avec, parmi ses conclusions, « construire un indice pour chacun des six axes retenus par le Collège, sous réserve d’une cohérence statistique suffisante : intensité du travail et temps de travail ; exigences émotionnelles ; autonomie ; rapports sociaux ; conflits de valeur ; insécurité de la situation de travail ».

 

 

 

[1] Voir la fiche INRS : https://www.inrs.fr/risques/psychosociaux/facteurs-risques.html