Le séminaire « Le travail en débat. Les 10 ans du chantier travail » de l’Institut de recherches de la FSU, qui s’est tenu les 1 er et 2 février 2017, a été l’occasion de « mettre en évidence les questions vives » sur les thèmes du travail syndical, de la santé au travail et des CHSCT, des réformes, et sur la recherche et le syndicalisme, à travers des ateliers et des tables rondes.

Des réserves d’énergie, des réserves d’alternatives pour l’action syndicale : le travail en débat ! par Christine Eisenbeis , membre du chantier « Travail et syndicalisme » de l’Institut de recherche de la FSU

Compte-rendu du séminaire « Le travail en débat : les 10 ans du chantier travail » des 1er et 2 février 2017. Ce texte est paru dans le mensuel du Snesup de mars 2017, page 17. Le pdf de cet article est ici.

« Des réserves d’énergie », c’est l’expression utilisée par Yves Clot pour qualifier tout ce que les travailleurs « gardent sur l’estomac » quand ils n’ont pas la possibilité de faire un travail de qualité dans lequel ils puissent se reconnaître, et qui peut finir par attenter à leur santé. Pour le chercheur en clinique de l’activité, les syndicats devraient se porter à la rencontre de cette énergie pour construire « un rapport de forces plutôt que des rapports » pour le combat syndical. Halte au verbalisme, place aux débats sur l’activité.

Yves Schwartz, philosophe ergologue, évoque, quant à lui, « des réserves d’alternatives » inhérentes au travail comme activité humaine. Le travail est le lieu d’intenses débats de normes où se pose la question des finalités de la vie sociale. C’est en se frottant aux controverses sur le travail que l’on peut élaborer des alternatives. L’enjeu pour les syndicats est de toujours tenir les deux bouts « micro » – l’activité – et « macro » – les revendications syndicales.

Ces deux chercheurs étaient invités en tant que « témoins » dans le séminaire que le chantier « Travail et syndicalisme » de l’Institut de recherches de la FSU organisait les 1 er et 2 février 2017 pour ses 10 ans. Chacun a accompagné les travaux du chantier, chacun a tenu à préciser qu’il était aussi syndiqué, le second rappelant les coopérations entre chercheurs et syndicalistes pendant les années 1970, notamment autour d’Alain Wisner. Le travail serait-il devenu affaire de spécialiste depuis ?

Le chantier, selon une « légende urbaine » a été lancé à la suite d’une interpellation de l’Institut par Christine Castejon, ergologue : « Est-ce que la FSU s’intéresse au travail ? ». Dix ans après, la question reste posée ! Pendant qu’était présenté le livre « Syndicaliste : c’est quoi ce travail ? Militer à la FSU », sortait un tract intersyndical « C’est quoi ce travail ? ». Le livre analyse l’activité (syndicale), le tract parle d’emploi. Alors, c’est quoi le travail ? L’emploi ? L’activité ? La question fait toujours débat à la FSU…

Les quatre ateliers du séminaire, travail syndical, santé au travail et CHSCT, travail et réformes, recherche et syndicalisme, avaient comme consignes de dégager des controverses. N’y a-t-il pas un risque de se faire instrumenter par le néolibéralisme en se focalisant sur le travail ? Comment transformer des expériences singulières en mouvements collectifs ? Comment transformer des résultats de recherches en revendications syndicales ? Le travail en CHSCT a été identifié comme le front, parfois violent des deux côtés, où les représentants du personnel portent l’analyse du travail réel (micro) et montrent aux directions les effets des réformes qu’ils mettent en œuvre (macro). Comment ne pas s’épuiser dans le travail syndical ?

La table ronde, qui rassemblait notamment les secrétaires généraux de plusieurs syndicats de la FSU, a permis de mettre en visibilité plusieurs belles expériences syndicales, telle cette remontée de 2 800 témoignages spontanés d’enseignants de 400 écoles au SNUIPP, qui ont permis de peser dans les négociations au ministère. Le représentant de la CGT a expliqué comment la Confédération avait avancé sur le travail, « parler du travail, c’est déjà commencer à agir », rejoignant en cela le représentant de Solidaires qui était intervenu le premier jour.

« Il n’y a pas de possibilité d’un “vivre ensemble démocratique” tant que les femmes et les hommes devront produire leur existence sous le joug d’un système socio-technique supposant, pour cause de rentabilité financière, une déréalisation de leur activité de travail » (Jacques Duraffourg, 2007) (*). « Ce n’est qu’un début, le débat continue » (Yves Baunay, 2017)…

(*) « Le travail nié, le travail relégué, le travail dévalorisé… mais le travail incontournable », Nouveaux Regards, n° 37-38, 2007, dossier élaboré par le chantier Travail.