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Lettre ouverte des syndicats belges, français, italiens et espagnols aux députés européens avant le vote des règles budgétaires du mardi 23 avril 2024.

Les nouvelles règles budgétaires européennes ne sont pas adaptées à l’avenir et laissent les travailleurs et les citoyens sur le carreau

Les nouvelles règles budgétaires européennes rendront impossible la transformation nécessaire de nos sociétés, laissant les travailleurs et les citoyens sur le carreau à un moment où ils ont plus que jamais besoin de protection.
Ce mardi 23 avril, le Parlement européen s’apprête à entériner l’accord conclu entre les institutions européennes sur la révision de la gouvernance économique européenne. Cet accord, imposé par l‘approche austéritaire de certaines capitales européennes, exigera des Etats membres qu’ils réduisent leur dette rapidement et d’une manière qui n’est pas soutenable économiquement et socialement : cela marquera un retour à l’austérité. Dans le même temps, les nouvelles règles auront un effet dissuasif sur l’investissement dans les objectifs sociaux et climatiques que les États membres de l’UE se sont fixés, en limitant la marge de manœuvre des déficits publics. Comme l’a récemment montré la Confédération Européenne des Syndicats, seuls trois pays (la Suède, l’Irlande et le Danemark) sont en mesure de réaliser les investissements sociaux et climatiques nécessaires dans le cadre des nouvelles règles fiscales.
Cet accord est souvent présenté comme meilleur que les règles budgétaires obsolètes, notamment pour nos 4 pays (Belgique, Espagne, Italie, France), puisque nous n’aurions plus (avec les nouvelles règles) qu’à réduire notre ratio dette/PIB d’environ 1% chaque année. Les nouvelles règles ne sont pas meilleures, surtout si l’on tient compte des processus de transformation de notre économie et de l’instabilité du paysage international. Selon nos calculs récents, les nouvelles règles détérioreraient même la capacité de l’UE à répondre aux défis actuels car elles imposent 72,9 milliards d’euros par an de coupes budgétaires ou de nouvelles taxes dans nos quatre seuls pays, l’équivalent d’environ 1,5 million d’emplois d’enseignants ou de personnel soignant, ou encore des réformes restrictives des retraites au cours des premières années de mise en œuvre des nouvelles règles.
Ralentissement économique
Nous avons des raisons de croire que les nouvelles règles réduiront bientôt à néant les avantages économiques des investissements financés par les plans de relance et de résilience. Il est clair que ces coupes budgétaires entraîneront un ralentissement économique dans nos pays, et pas seulement en Belgique, en Espagne, en France et en Italie, qui représentaient 41 % du produit intérieur brut de l’Union européenne en 2022. En tout état de cause, la paralysie de nos économies aura des conséquences sur l’ensemble de l’UE. Ces nouvelles règles ne sont donc pas plus acceptables que les anciennes.

Nous, organisations syndicales belges, espagnoles, françaises et italiennes, appelons les députés européens à rejeter l’accord et à en renégocier un nouveau après les élections européennes, qui ne nous obligera pas à choisir entre le financement des écoles, des hôpitaux, des pompiers ou des crèches et les programmes de rénovation énergétique des bâtiments, le soutien au monde agricole ou le soutien à la décarbonisation des industries, mais qui contribuera à la création d’emplois et de services publics de qualité qui sont les fondements d’une économie européenne inclusive et durable.

De nouvelles mesures
D’autres règles sont possibles. Des règles qui permettent l’investissement social, l’investissement vert, le financement des services publics et des systèmes de protection sociale, et le soutien public à la transition juste et à la décarbonisation de nos industries. Un nouvel accord devrait également être accompagné de mesures capables de collecter de nouvelles ressources pour financer un instrument d’investissement permanent de l’UE. Parmi les différentes idées : un plan de relance européen renouvelé, amélioré et mieux financé (RRF), une fiscalité européenne équitable (taxation des plus riches, taxe sur les transactions financières, lutte contre l’évasion fiscale), le tout assorti de conditions sociales et environnementales strictes.

A l’approche des élections européennes, nous appelons donc les députés européens à rejeter cet accord qui rendrait leur programme électoral largement inapplicable. Un tel projet ne convaincra pas les citoyens et les travailleurs que personne ne sera laissé pour compte.

Signataires :

Miranda ULENS, Secrétaire générale d’ABVV-FGTB, Belgique
Olivier VALENTIN, Secrétaire national de l’ACLVB-CGSLB, Belgique
Marie-Hélène SKA, Secrétaire générale de l’ACV-CSC, Belgique
Marylise LEON, Secrétaire générale de la CFDT, France
Sophie BINET, Secrétaire générale de la CGT, France
Frédéric SOUILLOT, Secrétaire général de Force Ouvrière, France
Laurent ESCURE, Secrétaire général de l’UNSA, France
Maurizio LANDINI, Secrétaire général de la CGIL, Italie
Luigi SBARRA, Secrétaire général de la CISL, Italie
Pierpaolo BOMBARDIERI, Secrétaire Général de l’UIL, Italie
Unai SORDO, Secrétaire général de CC.OO, Espagne
Pepe ALVAREZ, Secrétaire général de l’UGT-Espagne et Vice-président de la CES