On aurait grand tort de penser que les assauts idéologiques contre l’enseignement de l’économie sont nouveaux et appartiennent au seul contexte français.

Note sur le néolibéralisme et l’enseignement de l’économie par Christian Laval

On aurait grand tort de penser que les assauts idéologiques contre l’enseignement de l’économie sont nouveaux et appartiennent au seul contexte français. Ils sont depuis fort longtemps une composante du combat mené par les courants néolibéraux dans le monde contre les théories malsaines de l’interventionnisme et du réformisme social telles qu’elles ont été diffusées par la presse et enseignées dans les établissements d’enseignement. A cet égard, les manœuvres de l’Institut de l’entreprise, dont le récent livre de François Denord (Néo-libéralisme version française. Histoire d’une idéologie politique, Demopolis 2007) nous renseigne sur les conditions politiques de sa création en 1975, ne sont qu’un surgeon tardif.
On pourrait par exemple rappeler l’offensive des économistes néolibéraux et en particulier de Mises, Friedman et Stigler contre l’établissement des programmes d’enseignement d’économie pour les high schools par une Task Force américaine chargée de cette mission en 1961, programme beaucoup trop descriptif à leur goût et, surtout, trop peu positif vis-à-vis de l’économie capitaliste.
Dans les écrits de L. von Mises, on trouve à plusieurs reprises l’idée selon laquelle, si l’opinion publique américaine est hostile à l’économie de marché, cela tient en grande partie à une déformation des medias et de l’enseignement. Pour « changer la mentalité de nos concitoyens », comme dit Mises, il faut donc d’abord changer la formation scolaire et universitaire dans un sens favorable à la libre entreprise et au marché.
Voici un petit extrait assez significatif de cette « ligne politique » néolibérale dont nous vivons les derniers développements en France.

« Le fait que la majorité de nos contemporains, les masses de semi-barbares dirigés par des intellectuels autoproclamés, ignorent absolument tout ce que la science économique a produit est le problème politique principal de notre époque. Il n’y a aucun intérêt à nous tromper nous-mêmes. L’opinion publique américaine rejette l’économie de marché, le système de la libre entreprise capitaliste qui a fourni à la nation le plus haut niveau de vie jamais atteint. Le contrôle gouvernemental total de toutes les activités individuelles est virtuellement l’objectif des deux partis du pays. L’individu va être privé de sa responsabilité morale, politique et économique et transformé en un pion dans les grilles de l’autorité suprême qui vise un but « national ». Son « abondance » doit être amputée pour le bénéfice du « secteur public », c’est-à-dire la machine conduite par le parti au pouvoir. Des troupes d’auteurs, d’écrivains et de professeurs sont occupées à dénoncer les supposés échecs du capitalisme et à exalter les vertus de la planification. Pleine d’une ardeur quasi-religieuse, l’immense majorité plaide pour des mesures qui progressivement conduisent aux méthodes administratives pratiquées à Moscou ou à Pékin.
Si nous voulons éviter la destruction de la civilisation occidentale et la rechute à la misère primitive, nous devons changer la mentalité de nos concitoyens. Nous devons leur faire réaliser ce qu’ils doivent à la liberté économique, au système de libre entreprise et au capitalisme tant vilipendé. Les intellectuels et ceux qui se prétendent cultivés doivent employer leurs facultés cognitives supérieures et leur pouvoir de raisonnement à réfuter les idées erronées sur les problèmes sociaux, politiques et économiques et pour la généralisation d’une appréhension correcte de l’opération de l’économie de marché. Ils doivent commencer par se familiariser eux-mêmes avec toutes les questions qui lui sont liées pour enseigner à ceux qui sont aveuglés par l’ignorance et l’émotion.Ils doivent apprendre pour être capable d’éclairer toux ceux qui sont leurrés »(trad. C. Laval).

L.von Mises, « Man , Economy and State : A new Treatise on Economics » (1962) in Economic freedom and Interventionism, 1990, p. 157-158.